Pour la première fois dans ta vie, tu as aimé jouer avec la mort. Tu as aimé narguer Thanatos en te laissant presque tomber dans le néant qui encerclait le bâtiment. Une seule erreur pourrait t'être fatal, mais tu en étais conscient. Après tout, tu pensais toujours que ton décès ne toucherait personne. C'est bien là les pensées de l'homme pessimiste qui habitait en toi. Tu ne rejetais point la mort, tu te préparais même au jour où cette fameuse faucheuse, symbole de la fin de la vie, viendrait te chercher.

La lumineuse lune avait fini par prendre sa place dans le ciel sombre. La nuit était arrivée. Visiter Noerphilie pendant cette période de la journée était assez dangereuse, beaucoup l'avaient déjà énoncés dans leurs récits de voyages à travers ce monde. C'est pour cela que ton persona refusait de sortir de Parrev, quitte à faire des conneries devant tout le monde. Il l'avait déjà fait, et cela t'a valu des menaces de la part de certains habitants. Depuis, tu le surveillais attentivement, pour ne plus te créer d'autres problèmes. Tu venais ici pour tenter de t'amuser, non pas pour avoir la même vie maussade qu'à Iteku.

EC:HO, de son côté, était étrangement calme aujourd'hui. Il était plus préoccupé à manger ses sucreries qu'à t'embêter. Tu l'observais, pensif. Il était si différent de toi. Il savait comment vivre heureusement. Toi aussi, tu aimerais pouvoir avoir la joie de vivre. Pourtant, ton anxiété te dominait, et t'empêchait d'être heureux. Même que cela fait depuis longtemps que tu avais oublié comment sourire. C'est triste, certes, mais bien réel.

Une voix, féminine, avait eu pour effet de te faire sortir de tes songes. Le gamin à tes côtés, lui, avait l'air peu content de voir de nouveaux arrivants par ici. Sans crier gare, il se leva et tira de sa poche son lance-pierre, lançant un regard menaçant aux nouveaux arrivés, silencieux. Tu te redressa, avant de confisquer l'arme de l'esprit.

« Hé ! »

Il commençait à se défouler sur toi. Il te tapait et tirait tes vêtements. Néanmoins, tu ne réagissais pas à ses actions. Au lieu de cela, tu inspectais minutieusement les deux silhouettes face à vous. L'une d'entre elle, une demoiselle à la chevelure azure et aux yeux améthyste, s'avérait être celle qui t'avait confondu avec un suicidaire. Toute ton attention était concentrée sur elle. Que faisait donc-t-elle par ici, dans la pénombre ?

« Ne t'en fait pas, je n'ai pas prévu de mettre fin à mes jours pour le moment. »

Tu poussa EC:HO sur le côté, exaspéré par son mauvais comportement. Malheureusement, ce dernier avait mal prit ton action, et il tentait de te faire comprendre qu'il n'était pas content de ce que tu lui as fait en te braillant dessus.

« Dawkins ! Pourquoi t'a fait ça ?! »

Tu l'as attrapé par le col, toujours en observant la jeune femme, curieux de savoir qui elle était. Il se débattait, mais tu finis tout de même par l'engueuler.

« Arrête un peu de faire l'enfant ! »

Ton persona cessa toute action, avant de te regarder, les larmes aux yeux. Tu soupiras, avant de le lâcher. C'était une vraie perte de temps, et tu le savais. Alors, pourquoi t'acharner sur lui comme cela ?

HRP:

Alors que ton persona allait bouder dans son coin comme un enfant, en reprenant son occupation précédente, donc celle de manger ses paquets de choses bourrées de sucre, tu pivotas en direction de la demoiselle, les joues rosés par le vent glacial de la nuit. La remarque de la jeune t'avais amusé. Néanmoins, il n'y avait rien d'amusant, à parler de suicide. Tu ne devrais pas l'inquiéter.

L'idée de faire connaissance avec elle te paru être un bon choix. Après tout, ce n'était pas tous les jours que tu tombais sur une personne qui accepte de te parler. Habituellement, les autres ont souvent tendance à te regarder de travers, d'avoir peur de ta grande carrure ou alors de se demander pourquoi tu paraissais si austère. Cependant, ce ne fut pas son cas. Elle est venue commencer la conversation avec toi. Et même si elle semblait quelque peu coupable de t'avoir dérangé, elle ne prenait pas la fuite. Au contraire, la demoiselle restait immobile, un flegme gravé sur le visage.

La fille osa un instant aborder le sujet de ta relation avec EC:HO, avant de complètement en changer pour s'intéresser à ton état de santé, toute gênée. Ce qui eu pour conséquence de voir un léger et timide sourire se crayonner sur tes lèvres. Tu souriais. Cela faisait depuis si longtemps que tu n'avais plus sourit, à croire que tu resterais stoïque pour le restant de tes jours. Et pourtant, aujourd'hui, ce préjugé s'avérait être faussé.

« Ne vous en faites pas pour lui. Il a beau avoir l'air d'être surpris par mes paroles, mais il est habitué à ce que je lui crie dessus. »

Et c'est sur ces mots que tu t'es mis à rire, toujours aussi timidement. Oui, effectivement, tu étais heureux. Je ne veux pas casser le moment, mais est-ce que tu vas bien ? Même moi je suis surpris en te voyant avec le sourire aux lèvres. Mais bon, je ne devrais pas m'en plaindre. C'est un bon signe.

« Pour en revenir à votre question, je vais très bien, merci. Et vous ? »

Tu tentais de lui faire comprendre implicitement qu'elle ne devait pas être effrayée, et que derrière cet homme aux allures virils que tu étais se cachait un garçon mal dans sa peau. EC:HO, en entendant pour la première fois ton rire résonner dans ses oreilles, se retourna immédiatement vers toi, le regard interrogateur. Et toujours la bouche pleine, aussi.

« Dawchins ? Ech-moi où tu t'ech mawé ? »

Tu ne prêtas aucune attention au gamin te servant de persona, gardant celle-ci sur la demoiselle avec qui tu essayais d'entretenir une conversation.

Cette fille, qui avait affirmé être en bonne forme, s'avérait être si petite à tes côtés, alors qu'elle devait avoir dans la vingtaine, tout comme toi. C'est tellement adorable, tu ne trouves pas ? Néanmoins, ce n'est pas cette différence de taille monstrueuse qui vous empêchera de bien vous entendre. Au contraire. La diversité est ce qui permettait à chaque être vivant d'être unique. Malheureusement, tout le monde n'était pas de ce même avis, ce qui à tendance à créer des conflits partout sur la planète. Peu rassurant, il faut dire. Et pourtant, c'était devenu quelque chose de banal dans la vie de tous. Bon, évitons de démarrer un débat sur ce sujet-là, et revenons plutôt à nos moutons.

Mademoiselle à la chevelure cyan, après avoir prêté une attention particulière à tes paroles, esquissa un sourire. Tout allait pour le mieux. Espérons que cela dure encore longtemps. Te dirigeant lentement vers ton interlocutrice, tu ne pouvais t'empêcher de lancer des regards vers EC:HO, dans le but de vérifier s'il ne préparait pas un mauvais coup derrière ton dos. C'était bien étrange de le voir si calme, lui qui était si inconscient habituellement. Alors, ce fut normal de vouloir vérifier qu'il ne fasse pas de conneries pendant que tu étais occupé à autre chose.

Tu pouvais facilement constater que la montée au sommet de la grande tour de Parrev l'avait épuisé, ce qui eu pour conséquence de t'inquiéter. Mais, tu décidas de ne pas en parler avec elle. Après tout, elle avait dit qu'elle allait bien, non ? Alors, la contredire ne lui plairait sûrement pas. Et tu n'avais pas très envie de te retrouver seul, une fois de plus. Allez, respire. Tu peux le faire. Tu peux tenir une conversation sans que ton anxiété reprenne le dessus.

Dawchins. Par la faute de ce gosse à la tignasse en bataille, elle, ou plutôt Icy maintenant qu'elle t'a dévoilé son prénom, pensait réellement que c'était ainsi que tu t'appelais. Il ne pouvait pas se la fermer à cet instant, bien sûr que non. Remontant tes lunettes sur ton nez à l'aide de ton index, tu soupiras, avant de reprendre la parole.

« Non, ce n'est pas ça. Mon persona voulait dire Dawkins, et c'est mon patronyme en réalité. Il a juste l'habitude de m'appeler comme tel. »

Au fond, tu aimerais vraiment que cet idiot comprenne que ton prénom n'était pas Dawkins, mais Silvester. Ou, au moins, t'appeler par ton surnom, Anarchy. D'ailleurs, d'où as-tu tiré ce pseudonyme ? Il ne te correspondait pas du tout. Jetant un regard menaçant vers la personne à laquelle tu avais fait référence l'instant d'avant, tu repris le cours de ta phrase.

« Je m'appelle Silvester. Ravi de te rencontrer, Icy. »

Tu lui tendis ta main, confiant. Elle n'avait pas l'air de te vouloir de mal, alors pourquoi gâcher cette occasion de te socialiser un peu ? Par contre, si j'étais toi, je me méfierai un peu plus de l'esprit sur pattes qui rôde dangereusement derrière toi, souriant d'une manière malsaine, prêt à faire une nouvelle connerie.

Rien que sentir la main de la jeune femme effleurer la tienne te fit tressaillir. À croire que tes phobies te suivent partout, même à Noerphilie. Néanmoins, tu ne laissa pas ton sentiment d'effroi s'afficher sur ton visage, restant ainsi assez calme. Tu observais ta nouvelle connaissance, qui était devenue rouge suite à cette action. Ce n'était rien d'autre qu'un signe de politesse, alors pourquoi réagissait-elle de cette manière ? Certainement, parce qu'elle n'était pas habituée à cela. Tout comme toi, à vrai dire. Tu sentis tes joues s'empourprer, et tu fuyais alors le regard de la personne devant toi.

Après un moment à fuir tout contact visuel avec qui que ce soit, tu soupiras. Décidément, tu n'avais pas l'air d'être à l'aise avec Icy. Cette dernière te présenta son persona, qui s'avérait se prénommer Aqua. Au contraire de ton persona, qui avait l'aspect d'un être humain, elle ressemblait plus à une hybride. Plutôt original, à vrai dire.

« Le mien se nomme Echo. Enfin, c'est lui qui a choisi son nom. »

La réflexion d'Aqua te fit revenir à la réalité. Tu t'es ensuite tourné vers EC:HO, stoïque. Alors que ce dernier, lui, a commencé à s'énerver. À croire qu'il n'aime pas que l'on lui dise ce genre de choses. Et pourtant, elle ne disait que la vérité. S'il continuait ainsi, à bouffer tout ce qu'il trouvait, il allait finir par avoir de gros problèmes.

« Mais, je t'en fais des remarques sur ce que tu fais ?! Non ! Alors, ferme-la avant que je vienne te frapper ! »

Mais, tu ne le laissa pas faire. Avant même qu'il ne se mette à marcher en direction de celle qu'il avait interpellé, il commençait à disparaître. Lorsqu'il le remarqua, il s'est mis à hurler des choses incompréhensibles, jusqu'à ce qu'il ne se volatilisa entièrement.

« Excuse-moi, je n'ai pas eu d'autres choix. Il commençait vraiment à me soûler. »

Ne t'excuse pas, enfin ! Tu as bien fait de le renvoyer dans le fin fond de ton esprit. Maintenant que l'élément perturbateur est parti, tu pouvais discuter tranquillement avec Icy et Aqua. Mais, fait attention. Demain, tu as cours plus tôt qu'habituellement, donc ne reste pas trop longtemps ici. En fait, je crois que c'est même pas la peine que je te dise ça, vu que tu ne vas pas m'écouter. D'ailleurs, pourquoi te préoccuperais-tu d'une narratrice ? Bon bref, passons.

Icy t'a demandé ce que tu faisais à Iteku. Bof, franchement, tu n'es qu'un simple étudiant sans intérêt. Alors, cela ne va pas te tuer de le lui dire.

« Je suis un étudiant en ingénierie, qui habite un appartement à la sortie de la ville. Je n'ai pas encore trouvé de petit boulot, mais cela ne devrait plus tarder. »

Il faudrait déjà que tu t'en souviennes, de chercher un travail. Sinon, tu vas vite te faire renvoyer de l'appart.

Alors que tu lui parlais, tu remarquais l'absence d'Aqua, le persona de la demoiselle. Cependant, tu ne fus pas surprit, car tu pouvais voir qu'elle était sur le point de répliquer. Et puis, la détentrice de l'humanoïde t'en a parlé. Quel sale caractère. Et toi qui pensait qu'EC:HO était le seul à emmerder le monde. Enfin bref, les jérémiades du gosse ont cessés. Cela te faisait du bien, un peu de calme. Tu devrais essayer de voyager seul dans Noerphilie, sans lui… En fait, non. C'était une très mauvaise idée. Surtout que les menaces étaient nombreuses, et certains des Parrevois t'avaient même déconseillés de t'aventurer dans des lieux se situant au fin fond du monde. Tu avais entendu parler d'une version apocalyptique d'Iteku, et même d'une étrange version de ton université. Rien que penser à cela te faisait frissonner. Finalement, c'était bien mieux d'avoir ce morveux à tes côtés.

Donc, vous êtes tous les deux des étudiants ? Cela t'avait étonné, en premier lieu. Si vous étiez dans le même établissement, pourquoi ne l'as-tu donc jamais croisé dans les couloirs ? Après tout, sa chevelure teinte n'était pas quelque chose de commun, malgré le fait que beaucoup d'élèves s'étaient colorés les cheveux. Tu en découvrais des choses, depuis que Noerphilie existe. Et c'est bien l'une des choses qui te plaisait. Au moins, tu ne risquais pas de t'ennuyer comme dans le réel. De plus, ton anxiété semblait s'atténuer jour après jour. Bon, je ne dis pas que tu es à l'aise dans ta peau, mais il fallait voir la différence entre l'année dernière et aujourd'hui. C'est vraiment flagrant.

Oh, que fait-donc cette charmante jeune fille ? Que cherche-t-elle ? Tu la scrutais, curieux. Lorsqu'un papier et un stylo firent leur apparition dans les mains d'Icy, de nombreuses questions ont commencés à jaillir dans ta tête. Qu'écrivait-elle ? Était-ce au moins pour toi ? Tu as obtenu réponse à toutes tes interrogations au moment où elle te tendit le papier, où une série de chiffres avaient été griffonné sur la surface blanche de la feuille. La jeune t'a ensuite expliqué que c'était son numéro de téléphone, et que tu pouvais la contacter à tout moment. Excepté la nuit, bien évidemment. Tu ne voyais pas en quoi tu irais la déranger au moment où elle dormait. Cette réflexion te faisait rire intérieurement, alors que tu décrochas un nouveau sourire. Sérieusement, es-tu malade ? Si on te voyait comme cela à Iteku, que diraient les autres ?

« Ne t'en fait pas, je ne viendrais pas te déranger pendant que tu pionces. »

Tu te retournas en direction du panorama qu'offrait la zone, celle que tu étais en train d'observer quelques temps avant que les deux individus ne viennent. Icy fit de même. Et, durant un court instant, un silence digne des Cathédrale prit place. Silence une nouvelle fois rompu par l'autre étudiante. Un thé ? Cela aurait été bien. Tu préférais cette boisson au café, dont tu trouvais le goût trop amer. T'es vraiment un fils à papa, toi. À moins que tu ne soit complètement stéréotypé. Quoi ? C'est vrai ! Me regardez pas comme ça, les gens !

« Ce n'est pas la peine de t'excuser. »

Ta voix était rauque, et tu t'es mis à tousser, avant de te racler la gorge. Tu commençais à te refroidir. Et c'est bien normal, lorsqu'on voit comment tu sors dans le froid de la nuit. Tu ne peux pas mette un foulard, ou je ne sais quoi pour te protéger ? Bref, passons.

« Tu n'as pas froid, toi ? »

Pour une fois que tu avais réussi à parler à quelqu'un, tu voulais désormais bavarder durant des heures. Chose que tu n'aurais jamais fait habituellement. Je ne dis pas que ce n'est pas bien, je dis juste que cela me parais… Étrange que tu te mettes à parler si aisément, toi qui est d'habitude si silencieux.