Les paysages se succédaient et les shadows devenus monstres également, mon exploration quotidienne de cet univers semblait s’achever.
En Noerphilie, je préfére me dissocier de mon ennuyeux homologue répondant au nom d’Andrew car ma propre pensée n’appartient qu’à moi, je suis libre. Je suis Leone, dans ce monde je suis le True Self d’Andrew d’après les règles fixées, mais ça n’est qu’un ramassis de conneries, pour moi Andrew n’est que mon True Self sur Terre, je suis celui qui est réel mais après tout ce n’est qu’un gamin ennuyeux et égocentrique, tout le contraire de ma magnifique personne. Qu’est-ce que je suis génial !
Alors que je pensais presque à voix haute traversant les différents horizons, je me faisais alpaguer par différents shadows que ce soit monstres ou parreviens, il ne manquait plus qu’un doppelgänger ce qui m’aurait vraiment fait plaisir mais j’imagine que l’on ne peut pas avoir tout ce que l’on veut dans la vie.
Je passais tantôt dans un immense champ de fleurs, tantôt dans un épais brouillard où seul mon don pouvait m’aider à me frayer un chemin vers une susceptible sortie. J’avais le sentiment de connaître ces endroits comme si j’y avais toujours vécu, cependant aucun souvenir ne ressurgit mais je me déplace presque instinctivement. Je me régale de la beauté des différents lieues, seul hic, je n’ai rencontré encore aucun itekien, ces gens sont délicieux et c’est toujours fabuleux d’en voir un à l’oeuvre. Évidemment, moi Leone, je ne me considère absolument pas comme un citoyen de la planète Terre, ni même de la Noerphilie, je suis le fantasme venant du cerveau d’Andrew, ou peut-être est-ce lui qui n’est pas réel et qui comme mon cauchemar. Après tout je vis, et tout cela semble bien réel, j’ai besoin de plus me pencher sur la question pour avoir une réponse.

Dans mes pensées, mais mes yeux bel et bien rivés sur les alentours je finis par arriver à Mirror Lake. L’un de mes lieux favoris car c’est là que se passe les meilleurs événements. En vérifiant si mon cache-oeil était bien fixé, et que mes cheveux de leur blanc pur bien plaqués vers l’arrière de mon crâne, j’observe si spectacle il y a aujourd’hui. Non, aucune femme peu informée n’a l’air de se baigner en tenue d’Eve dans cette grande étendue d’eau. Car oui, en général, le sexe féminin étant plus attaché à l’hygiène se sent comme obligée de se dévêtir et de prendre un bon bain dans cette eau qui ne semble qu’à première vue paisible pour n’importe qui. J’ai déjà observé le phénomène plusieurs fois. Quoi ? Comment ça je regarde les demoiselles innocentes dans leur plus grand moment de vulnérabilité ? Mais absolument pas, je notais juste la particularité de ce lac qui n’en était pas un. Il s’agissait plus d’un océan miniature où régnait celui que je surnommais Moby Dick, je n’avais pu le distinguer à travers l’eau de son immense silhouette troublée par le courant mais l’on ne trompe pas mon oeil. Mon pouvoir m’avait permis de lui trouver ce surnom original car il s’agissait bel et bien d’une baleine gargantuesque, et ma curiosité me titillait depuis un moment pour voir si je pouvais l’approcher, ce que j’essaierais bientôt évidemment. Après tout je ne sais pas grand chose à propos des fonds marins où règne Moby Dick car personne parmi les vingtaines de personnes que j’avais pu rencontrer n’en savait quelque chose. Oui, systématiquement lorsque je rencontre quelqu’un ou un groupe vagabondant je leur fais subtilement me raconter tout ce qu’ils savent. Héhé, oui oui, je suis assez fier de mon éloquence et de mon doux visage qui apaisent les moeurs et poussent les gens à se confier. Je sais ce que vous pensez, et oui c’est de l’admiration... Attendez, partez pas ! J’arrête, j’arrête ! Enfin bref, aujourd’hui j’irais sûrement rendre visite au gros poisson.

Alors que je m’extirpais des fourrées pour m’introduire dans la clairière et arriver au lit du lac, un arbre que je venais de dépasser attira mon attention. Une jeune fille aux yeux bleus, au visage innocent et enfantin enlaçait comme une mère bienveillante ce qui semblait être un persona qui aux premiers abords semblait avoir ce même attrait pour la chevelure bleue. La ressemblance était trompeuse, et le fait que cette créature s’était recroquevillée, mise en boule dans les bras de celle qui la portait, on ne pouvait pas apercevoir son visage alors peut-être était-ce un doppelgänger après tout. J’avais entendu que les shadows se prenait d’amour pour certaines personnes, et ces personnes en général ne les rejetaient pas. De ma main droite je commençais à pincer le morceau d’étoffe qui obstruait mon oeil porteur de ma capacité pour vérifier la nature de la créature puis je revins sur ma décision, ça allait être plus excitant de vérifier de plus près la réponse à ce mystère.
D’un pas félin naturellement discret je m’approchais des deux êtres endormis au pied de l’arbre. Une fois à leur hauteur je m’accroupis, les coudes posés sur les genoux en tenant ma tête entre mes deux mains. Étant à quelques centimètres des deux je restais comme ça à les observer pendant quelques minutes, jusqu’à ce que je vins insérer une main dans l’une des poches intérieures de mon veston. En la ressortant, je tenais une sucette dont j’étais particulièrement accroc dans ce monde. Après avoir déballé la sucrerie, puis mise en bouche, il semblait que l’appétit de ma curiosité atteignait un pic. D’une main je dégageais le visage de la petite créature en balayant sa masse capillaire d’un doux et lent revers de la main, alors que je pris toutes mes précautions pour ne pas la réveiller, un sourire béat s’affichait sur la face de cette dernière. En y regardant de plus près elle ne ressemblait pas du tout à la jeune fille, elle n’avait rien d’humain à part le corps, c’était donc un persona qui semblait très sensible au toucher et au sommeil léger.
Après avoir été si précautionneux avec le persona, mon regard se portait sur sa porteuse et sûrement maîtresse. Elle dormait paisiblement, ce qui me fit penser à l’histoire d’Alice aux Pays des merveilles, l’histoire de cette jeune fille qui s’endormait dans un endroit similaire au pied d’un arbre son chat dans les bras puis... Attends deux secondes ! Attends, attends ! Si c’est Alice, et le Persona le chat de Cheschire, je suis le Lapin à la montre ? Pris de panique pour aucune raison je réalisais que ce que je disais n’avait aucun sens et je finis par me calmer. Lorsque je repris le contrôle je me sentais un peu agacé par Alice aux Pays des Merveilles, et comme pour me venger, je tendis mon index et sans aucune délicatesse je piquais du bout des doigts les joues de la jeune fille, je me demandais à quel point son sommeil était profond. Je pourrais faire ça pendant des heures sans m’ennuyer.

Depuis ma première fois en Noerphilie, j’avais rencontré tellement de différentes personnalités, des gens plus ou moins forts, plus ou moins intelligents, des gens avec des ressources ou non, mais là c’était bien la première fois que je tombais sur ce genre de personne.
Cette jeune fille dormait là, totalement insouciante, mais vu qu’elle avait un persona je pouvais me dire qu’il aurait servi de garde pendant qu’elle dormait et donc qu’elle était protégée mais non. Son persona était tout aussi naïf qu’elle, il s’était endormi auprès de cette dernière, ça ressemblait vraiment aux vieux clichés des films pour enfants. J’espère que ça ne fait pas de moi le dindon de la farce. Toujours accroupi face à elle, je regardais aux alentours pour être bien sûr qu’elle ne faisait pas partie de ces fameux groupes bandits qui usaient de tactiques aussi sournoises pour dépouiller, frapper, ou tuer de naïfs voyageurs.
Au bout de la cinquante-quatrième que je touchais son visage du bout de mon index elle finit par grommeler quelques mots, absorbé par son rêve. Au bout de la 213e tentative, elle prononça quelques phrases incompréhensibles où chaque phrase se terminait par « Quel beau Lapin ! », au début je pensais qu’elle était réveillé et qu’elle tentait d’engager la conversation de manière cool et détachée pour que j’oublie cette image honteuse et dégradante de sa personne, mais non, rien ne s’arrangeait pour elle, la pauvre. Au bout du 1005e picotement, elle finit par entrouvrir ses yeux, et se mettre en alerte :

« AAAAAAAAAAAAH aaa......aaaaa.............ah ? »

Ses yeux complètement ébahis. Son réveil a été rude, et je ne considère pas que c’est de ma faute, quelle idée de dormir près d’un arbre, on est pas dans un conte de fées. D’ailleurs ça me rappelle cette petite Itekienne à l’accent russe près de ce ruisseau la dernière fois... Hm... Ah oui pardon ! Donc je disais, elle était choquée, et il y avait de quoi, ce n’est pas tout le monde qui a la chance de se réveiller face à un bel étalon, quant à son persona il était furieux. Furieux ou en situation de danger, il n’avait pas l’air de comprendre la situation et éprouvait de l’animosité pour ma personne, il avait vraiment un côté animal sauvage très prononcé, voire même félin. Il faut donc l’apprivoiser. Alors que la belle au bois dormant était perdue dans ses songes, je brandis ma sucrerie à ce mystérieux personnage aux allures félines. En une fraction de seconde, ce qu’on pouvait qualifier plus de pattes de chats que de mains humaines s’étaient appropriés de la sucette en me griffant innocemment ma propre main, apparemment ce persona ne se rendait pas compte de sa force. Car oui, pendant mon exploration j’avais remarqué que les personas en général avaient un âge. Certains étant le fruit de l’imagination et des voeux de leur maître naissaient poupons et vieillissaient au fil du temps. D’autres avaient le même âge que leur possesseur, et d’autres disposaient de l’immortalité.
Quoiqu’il en soit cette créature bleuâtre était jeune et devait posséder le même âge que cette jeune fille qui ne faisait que de se creuser la cervelle comme si le monde dépendait du fruit de sa réflexion.

Ma main saigne à cause des griffures de ce persona, mais ce n’est pas grave. Étant toujours accroupi, je finis par me relever et regardant avec mon air dépité mes jolis doigts je pense quel point le sang peut tâcher.
De ma main propre, je l’enfouis dans l’une de mes poches intérieures d’où je finis par sortir un mouchoir blanc de soie pour essuyer le peu de sang coulant le long de mes doigts, puis la jeune fille m’interpella :

« Tu es....méchant ? je voulais lui répondre seulement avec les femmes qui me le demandent mais peut-être ne comprendrait pas mon humour fin et subtil, la réponse était en tout cas évidente, puis elle surenchérit, Eeeeuh...Oui donc, c'est un inconnu....Bon...bonjour, vous allez bien ? »

Laissant échapper un soupir évoquant de la joie de rencontrer une personne aussi naïve, je plaquais ma masse capillaire blanche en arrière tout en les bloquant avec l’attache de mon cache-oeil. C’était presque mécanique, lorsque je rencontrais ce genre de personnalités, je réagissais toujours de la même manière, je voulais qu’ils aient l’impression que j’attendais, à savoir l’admiration et l’assurance. Ils devaient comprendre que j’étais magnifique et bienveillant, mais ce qui était assez drôle c’est que mon allure élégante et raffinée, rappelait celle de certains mafieux très cruels, et en général les gens faibles avaient peur. Je n’ai pas beaucoup de chance... Non ! Je ne veux pas de votre pitié ! Bref, elle était gentille, polie, et mignonne, je me devais de lui répondre :

« Je vais très bien Mademoiselle Blue. »

L’anglais étant la langue la plus parlée au monde, ainsi que la plus élégante, je me présentais donc dans cette langue. Fier de moi-même et de ma classe, je remarquais que le persona me tournait autour, sans la sucette que je lui avais donné précédemment, elle n’avait pas pu la finir aussi vite. Je me demandais où elle avait pu la laisser tomber, je jeta un regard furtif aux alentours et ne décelai rien. Mais où étaient mes manières ? Je me devais de réellement faire des présentations :

« Comme je suis maladroit, je te donne un surnom avant même connaître ton prénom ? Pourrais-je en prendre connaissance ? »

Les demoiselles en premières, il est évident qu’un homme ne doit jamais laisser une femme être sa seconde, la preuve un vrai gentleman se doit toujours d’ouvrir la porte pour laisser passer une dame. D’ailleurs est-ce qu’il y a une porte pas loin que je lui prouve tout de suite ? Non ? Et bien attendez un peu qu’il y ait une porte. Puis soudain, alors que la créature rôdait autour de moi comme depuis déjà deux minutes, j’aperçus quelque chose. Dans ce qui semblait être sa chevelure, une couleur autre que le bleu se trouvait là. Du pourpre, oui, ma sucette au cassis. Les deux sont aussi maladroites l’une que l’autre.