L'estomac dans les chaussettes et le cœur en vrac, Chinatsu termina d'écrire la dernière phrase de son CV. Cela faisait plusieurs mois déjà qu'elle enchaînait les petits boulots, sans aucun succès et elle espérait sincèrement que cette fois, il ressortirait quelque chose de positif de l'entretien qui se préparait. Elle termina de raturer la feuille et comme si elle n'avait attendu que ça depuis le début de la matinée, Yayoi surgit brusquement en trombe de sa chambre. Un grand sourire tout édenté au visage, c'est les yeux pétillants qu'elle lui tendit ses trois places de cinéma. La bouche en cœur et les joues rouges, Chinatsu se sentait déjà mal de devoir la décevoir. Bien évidemment, qu'elles iraient au cinéma ensemble, après tout Chinatsu le lui avait promis et Yayoi avait farouchement économisé chaque petit dollar qu'elle recevait à droite et à gauche pour payer elle-même les place. Le problème n'étant pas tant le temps, car s'il y a bien une chose que Chinatsu n'était pas, s'était occupée malheureusement. Le soucis, c'était que celui dont Yayoi espérait tant la venue ne viendrait évidemment pas. Comment le pourrait-il ? Puisqu'il ne se souciait strictement pas d'elles et faisait au contraire son possible pour les éviter comme la peste. Avec un soupir, Chinatsu vint donc se saisir de sa petite fille et la posa sur ses genoux pour arranger ses couettes.

-A quelle heure est la séance, ma chérie ? -attaqua-t-elle, alors qu'elle faisait glisser les cheveux rose bonbon entre ses doigts. Un vrai petit miracle de la nature, cette Yayoi. Elle était si belle et sentait bon le caramel. Chinatsu l'adorait. Oh oui, Chinatsu aimait énormément sa fille. Il était juste triste que son paternel n'en fasse pas autant.-

-13h ! -répliqua Yayoi, qui toute excitée commença à s'agiter, incapable de tenir en place.- A quelle heure papa arrive ? -demanda-t-elle avec entrain.-

Directement Chinatsu se fit plus évasive et automatiquement le sourire de Yayoi tomba. Du haut de ses 5 ans, si Yayoi n'était qu'une enfant, elle comprenait déjà beaucoup de choses. En l'occurence, elle savait pertinemment ce que l'expression que portait sa mère voulait dire. Comme d'habitude, son père ne viendrait pas. Les épaules de Yayoi s'affaissèrent et ses sourcils froncèrent. Chinatsu essaya bien de la retenir, mais le mal était fait. Elle partit s'enfermer dans sa chambre dans l'instant qui suivit, les billets abandonnées par terre après qu'elle les ait négligemment jeté. Chinatsu resta interdite, la bouche ouverte dans un cri muet et les doigts serrés sur un petit élastique bleu. Comment-est-elle censée arranger cette situation sans issue ? Désespérée, elle ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil à son portable au bord de la table. Combien de chances pour qu'il décroche ? Il était toujours si occupé à la tromper...D'ailleurs, pouvait-elle seulement dire qu'il la trompait ? A ce stade, elle n'était même pas sûre de pouvoir affirmer qu'ils étaient un couple, si ce n'est amants. Chinatsu se rongea les ongles quelques longues minutes et se décida à appeler lorsque le petit, mais étouffé sanglot de Yayoi lui parvint. Entendre sa fille pleurait lui briser littéralement le cœur et elle aurait été prête à affronter Mamoru cent fois si cela permettait à Yayoi de sourire. C'est donc déterminée qu'elle appela son pseudo « petit-ami », cela en dépit de son anxiété et de la colère qui la rongeait depuis plusieurs années.

-Allo, Mamoru ? C'est Chinatsu. Yayoi a des places de cinéma pour trois...elle est vraiment très triste à l'idée que tu ne viennes pas. Ne pourrais-tu pas te joindre à nous ?