Entretien d'embauche [TERMINE]

Sujet: Entretien d'embauche [TERMINE] Ven 9 Oct - 23:18

7 mai 2015, neuf heure 37 du matin, Palownia Mall. Sif errait dans les rues. "Errait" n’est peut-être pas le mot exact. Elle avait effectivement passé plusieurs jours à déambuler sans but ni logique dans les rues, mais c’était fini. Maintenant elle avait un chez-moi, des vêtements propres, et même des faux papiers d’identité grâce auxquels elle pouvait faire tout ce que les gens ordinaires pouvaient faire. A commencer, et c’était la raison pour laquelle elle arpentait les rues, par trouver un travail. Les gens normaux avaient un travail grâce auquel ils gagnaient de l’argent grâce auquel ils achetaient des choses. Dans son cas elle n’avait pas /besoin/ d’argent. Elle n’avait pas besoin d’acheter de nourriture, pas besoin de payer de loyer, rien. Mais ça ne l’empêchait pas de vouloir acheter des choses, à commencer par des vêtements. Pour pouvoir rendre à Akando ceux qu’il lui prêtait. Et parce qu’elle voulait porter autre chose que t-shirt, gilet et pantalon.

Elle avait regardé les offres d’emploi dans le secteur grâce à l’ordinateur d’Akando, mais s’était vite rendu compte qu’elle ne pouvait pas répondre à beaucoup d’entre elles. Le principal problème étant le manque de qualifications car, si elle apprenait très rapidement, elle ne savait actuellement pas grand-chose. En définitif, elle avait relevé quelques offres. Un poste de caissière, une place comme serveuse, une autre comme agent d’entretien – elle n’avait pas tout compris, mais ça ressemblait à concierge. Retenant un plan de la ville, elle avait repéré les adresses et décidé d’aller se présenter aux différents employeurs dans l’ordre. Donc d’abord la place de caissière, chez un artificier. Boutique spécialisé dans les explosifs et feux d’artifice. Elle ne savait pas pourquoi – ou plutôt refusait de comprendre pourquoi – mais Sif avait de bonnes connaissances en explosif. Qu'il faille les reconnaître, les détoner, les désarmer.

Elle poussa la porte du magasin, qui n’était pas fermé. L’intérieur était très encombré. Aucun signe de l’artificier. Elle n’osa pas s’avancer trop et resta près de la porte. Pour signaler leur entrée, les gens se manifestaient en parlant fort. Pour commencer une conversation avec un inconnu, il fallait saluer. Elle ne connaissait pas grand-chose, mais elle savait au moins ça.

"Bonjour !"

Sans aller jusqu'à hurler de toutes ses forces, elle avait parlé assez fort pour être entendue, sans difficulté, à travers toute la pièce.

ft. Sif Hope

ft. Luadilvanis Eirenn

Why the fuck are you here ?

Depuis quelque temps, je me faisais interrompre assez régulièrement dans mon travail. Bien qu'on soit en mai, je préparais déjà depuis un moment les fusées pour l'été, la saison des feux d'artifice au Japon. Durant cette période, beaucoup de clients venaient, et parfois je recevais des commandes des mairies du coin. Le travail que je devais fournir était minutieux et intense, afin de ne pas commettre d'erreur de dosage de poudre par exemple. On pourrait presque dire qu'être artificier est une science avant d'être un art. Calculs précis, mesures dignes d'un chimiste … A mon sens, c'est un bon équilibre entre travail intellectuel et artistique. Seulement voilà, à force d'être interrompue par les clients, je devais souvent reprendre mes calculs depuis le début, reprendre mes dosages de poudre de zéro, et ainsi je perdais un temps précieux sur les commandes que j'avais en cours. C'est pour cette raison que je me suis finalement décidée de poster une annonce de recrutement pour un poste d'accueil dans mon atelier. Ainsi, je pourrais pleinement me concentrer sur mon travail, sans avoir à vraiment me concentrer sur l'accueil et les clients. Seulement voilà, trouver quelqu'un un minimum savant dans le domaine, c'est assez difficile. Je n'avais pas non plus le temps d'apprendre quelques informations sur les produits que je proposais dans la devanture de l'atelier. Mais malheureusement, peu de personnes de base ont postulé, et depuis plusieurs semaines maintenant, le rythme s'était considérablement accéléré. J'étais obligée de prendre un peu sur moi, dormir moins et travailler plus. Déjà peu commode au naturel, essayez de m'imaginer, moi, géante de presque deux mètres, les habits négligés, des cernes marquées et un air de gueule de bois du lundi matin, les nerfs plus à vif que d'habitude … Les rares courageux qui venaient à l'origine pour le poste s'en allaient assez vite.

Aujourd'hui, ce sept mai, cela faisait pratiquement trois jours que je passais sans dormir. Trop de retard accumulé qui commençait sérieusement à devenir alarmant. J'en étais à mon cinquantième café … Ou peut-être plus. Ou moins. A peu de choses près … Je travaillais sur une partie très exigeante d'une fusée qui me demandait une extrême concentration et précision dans mes gestes. J'avais dû refaire six fois le calcul, la faute à la fatigue. Inutile de préciser que j'étais au bord de la crise de nerfs. Pour l'occasion, il me semblait avoir indiqué que l'atelier était fermé sur la porte d'entrée. Semblait est un mot très important ici. En réalité, j'avais oublié de le faire. La fatigue et la concentration sur ma fusée m'avaient sans doute altéré ma perception de la réalité. Quoi qu'il en soit, j'en étais rendue à l'étape la plus délicate de la conception de cette fusée … jusqu'à ce qu'une voix qui criait presque me déconcentre et me fasse sursauter, envoyant valser l'intégralité de mon travail. Je restais figée un instant, mon cœur battant la chamade à cause de cette frayeur. Puis, je réalisais. Je me crispais, riant nerveusement avant de frapper violemment de mes poings mon bureau qui n'avait rien demandé. Un client, bordel de merde. Je savais que je n'aurais même pas dû ouvrir la porte et la laisser fermée à clé. Je me servis un autre café, me massant les tempes et me frottant un peu le visage de mes mains pleines de poudre noire, le salissant un peu. Ma tenue habituelle, encore plus négligée que d'habitude, était elle aussi noircie. De même pour mes cheveux, à certains endroits. On dirait vraiment une créature revenue à la vie, à mon avis, surtout avec ces énormes cernes sous mes yeux un peu rougis par l'épuisement. Buvant mon café, tentant de faire passer mon énervement, je me reculais pour essayer d'apercevoir la cible de mon courroux à travers les rideaux séparant mon plan de travail du coin vente de l'atelier. Il y avait bel et bien quelqu'un. Une jeune femme il semblerait. Elle avait un visage assez enfantin, un bandeau couvrant un de ses yeux, et tout comme moi, les cheveux blancs. Elle avait également comme un air totalement paumé. En même temps, pour venir dans mon atelier, il faut soit s'être perdu, soit être en général accompagné de quelqu'un d'adulte. Ou d'un groupe de jeunes. C'était très rare de voir une silhouette esseulée, surtout qui semblait aussi jeune. Le motif de sa visite me paraissait bien trouble, et m'irritait tout autant qu'il m'intriguait. Avalant à grandes gorgées le liquide qui me maintenant éveillée, je finis par reposer bruyamment la tasse sur mon bureau avant de me décider à aller à la rencontre de cette « intruse ».

Me dressant de tout mon long, dominant clairement la jeune femme de pratiquement un demi-mètre, je m'approchais d'elle avec mon air livide et passablement énervé, la toisant de haut en bas. J'essayais de deviner la raison de sa présence, puisqu'elle ne semblait pas s'intéresser plus que ça aux produits en vente sur les étalages. C'était comme si elle me cherchait personnellement. Venait-elle pour l'annonce ? Elle me semblait un peu trop jeune pour ça, mais je ne pouvais pas exclure cette possibilité. Main droite dans la poche, poignet gauche reposant sur ma hanche tout en arrivant à quelques pas d'elle et en la fixant droit dans l’œil, je pris la parole d'un ton un peu plus sec que ce que j'aurais voulu. Mais il ne faut pas m'en vouloir, après trois nuits blanches de travail sans s'arrêter pratiquement, qui venaient de s'envoler à cause en grande partie de son intrusion, c'était une réaction que je qualifierai de normale.

« Tu t'es paumée, petite ? Qu'est-ce que tu fous toute seule ici ? T'as pas l'air d'être intéressée par un achat. J'peux t'aider ? »

La première réaction fut un bruit, étouffé, comme un choc qui viendrait de loin. Puis le silence, pendant quelques secondes, et un second choc encore plus faible que le précédent. Ils semblaient venir d'une pièce voisine, derrière celle-ci. Encore un peu de silence. Sif resta immobile, les bras le long du corps. Elle ne pouvait pas être certaine que les chocs étaient une réaction à sa présence, ni même qu'elle avait été remarquée, mais ne réagit pas. Principalement parce que, dans l’hypothèse où elle n'aurait pas été entendue, elle ne saurait pas quoi faire. Heureusement elle n'eut pas besoin d'improviser car elle entendit une porte s'ouvrir et quelqu'un arriver. Une femme se fraya un chemin jusqu'à elle. Elle était grande, l'air hostile, le visage sali de tâches grisâtres, mais rien de tout ça n'impressionna Sif. Plus exactement, tout ça fut classé comme information secondaire par rapport à un autre point très précis de son anatomie. Sif leva le bras et dirigea un doigt à hauteur de la tête de la femme, légèrement à côté de son visage.

"Tu as les même cheveux que moi."

C'était la première personne qu'elle voyait, malgré des jours passés à observer la foule, à avoir des cheveux blancs et long comme les siens. Jusque là elle avait cru que c'était une erreur de conception, comme son œil rouge. Personne d'autre n'avait les yeux rouges.
Puis, parce que la femme avait posé des questions et que les questions demandent des réponses, elle baissa le bras. Trois questions, donc trois réponses.

"Je suis exactement là où je veux être. Je suis venue postuler pour le poste de caissière. Si tu es la propriétaire, tu peut me donner le travail, sinon, tu peux m'indiquer le propriétaire pour qu'il me donne le poste."

Sujet: Re: Entretien d'embauche [TERMINE] Dim 11 Oct - 2:26

ft. Sif Hope

ft. Luadilvanis Eirenn

Is this girl a joke ?

Il y avait quelque chose d'étrange chez cette fille, outre cet air totalement à l'ouest, comme si elle ne trouvait pas sa place dans ce monde froid et égoïste. C'est vrai que son apparence détonnait pas mal avec ce qu'on avait l'habitude de voir au Japon, excepté sa taille. Je lui donnais quoi … Seize, peut-être dix-sept ans à tout casser ? Quelque part, je me revoyais un peu, il y a de ça pratiquement une dizaine d'années maintenant. Je me souviens avoir été un peu perdue, livrée à moi-même, seule, avec personne sur qui compter. A cette époque, même si je faisais ce qu'il me plaisait quand je le voulais, j'étais forcée de reconnaître la dureté de la vie et ses exigences pour survivre. La demi-portion qui me faisait face semblait tout de même avoir un vrai toit, compte tenu de ses vêtements qui ne ressemblaient pas vraiment à des bouts de tissus vieillis, délavés et utilisés à outrance parce qu'elle n'avait que ça à se mettre. Ils étaient même plutôt sympathiques, bien que simples. Sauf peut-être la veste. M'enfin, les goûts et les couleurs … Toujours est-il qu'il y avait une jeune fille dans mon atelier, avec cet air complètement à la ramasse, et qu'elle ne semblait vraiment pas le moins du monde impressionnée par ma stature et l'impression hostile que je devais sans doute dégager. Pire, elle ne semblait même pas prêter attention ni à mon ton, ni à mes propos. Je la voyais fixer de son unique œil ma figure, sans vraiment la regarder. Comme si elle visait un peu à côté, prétendant seulement m'observer droit dans les yeux. Cette attitude me piqua un peu au vif, mais c'était sans doute dû à mes nuits blanches successives. Il fallait relativiser un minimum tout de même. Qui sait, c'était peut-être une cliente, il fallait quand même que j'évite de lui gueuler dessus pour un motif aussi trivial. Si ça se trouve, elle a des problèmes de vue, et l'impression que j'avais était fausse.

Non, définitivement, il y avait un truc qui clochait chez cette fille. Non seulement elle ignora dans un premier temps absolument tout ce que j'avais dit, comme si elle était carrément ailleurs, dans une autre dimension, à fixer quelque chose qui l'intéressait, mais en plus, elle finit par lever son bras et pointer du doigt ma tête, plus particulièrement mes cheveux, et fit une remarque complètement absurde et à côté de la plaque. Un vrai hors sujet net et total. Mes paupières se fermèrent à moitié, mes lèvres furent instantanément un peu attirées par le sol, et mon expression faciale hurlait à ma place « non, sans déconner, t'es vraiment sérieuse là ? ». Un air totalement blasé. Elle me donnait sacrément envie d'aller me coucher, mais bon, je ne pouvais pas vraiment la planter là, même si ce n'était pas l'envie qui me manquait.

« Bravo Sherlock, t'as trouvé ça toute seule ? Si t'es venue jusqu'ici pour trouver quelqu'un avec la même couleur capillaire, bravo, ta quête s'achève ici. »

Non mais j'vous jure … Je doute que ce soit réellement son but, mais faut pas déconner. Me déranger en plein taff d'une part, me sortir une connerie comme ça ensuite, désolée mais y'a des limites à la quatrième dimension. C'est lorsque je levais les yeux au ciel, avant de prendre ma tête entre les doigts de ma main qu'elle se décida enfin à répondre sérieusement à mes questions. Là encore, c'était une façon de s'exprimer vraiment étrange. Cette fois, j'en fus certaine, cette fille est clairement bizarre. Elle venait pour le poste, clamant être là où elle avait voulu se rendre. Je ricanais un peu dès lors que je l'ai entendue prononcer les mots « tu peux me donner le travail », comme ça, sans complexe, ni détour. Vraiment ? Elle comptait obtenir le poste aussi facilement ? Si cela avait été un autre gosse, je l'aurais déjà fait dégager de mon atelier en l'insultant tellement violemment qu'un compteur de noms d'oiseaux aurait sans doute explosé dès les premières secondes. Mais elle, non. Probablement parce qu'elle m'avait fait me rappeler ma propre situation, qui sait.

« D'une, quand on souhaite obtenir quelque chose de quelqu'un, la moindre des choses, c'est d'être polie en n'exigeant pas, espèce de p'tite effrontée. Tes parents t'ont pas appris ça ? De deux, je suis la proprio, et la seule personne à bosser ici. De trois, je vois absolument pas pourquoi je devrais te filer le job. Tu t'es même pas présentée, tu débarques comme ça en me débitant une connerie cosmique sur mes cheveux, en plus en me pointant du doigt, ce qui n'est pas très classe à la base, puis tu exiges que je te file un job, comme ça, gratuitement ? Si c'était aussi facile, y'aurait pas de chômage ni de problèmes liés au monde du travail. »

Je la toisais de nouveau de haut en bas. Elle ne manquait vraiment pas de culot cette naine. Mais justement parce qu'elle me semblait comme ça, je décidais de lui laisser une chance. Reprenant la parole d'un ton plus calme et un peu plus « amical », je lui dis :

« Bon, malgré tout, j'veux bien te considérer comme une candidate potentielle. Suis-moi, on va pas faire ça debout en plein milieu de la boutique. »

Sans attendre, je lui tournais le dos et fis un signe de la main pour lui indiquer de m'emboîter le pas. La direction ? Mon atelier. Un joyeux bordel régnait en maître derrière les rideaux, entre autre à cause de l'accident dont l'intervention vocale de la jeune fille qui me suivait avait été le déclencheur, mais aussi grâce à ma nature négligente sur ce genre de détails. Le bordel organisé comme on dit. Dans tout ce désordre, chaque chose avait sa place plus ou moins attitrée. Je pris une chaise et indiqua à la bizarrerie sur pattes à s'y asseoir. Je fis de même, m'asseyant de côté, jambe gauche repliée sur mon genou droit, le bras gauche ballant derrière le dossier de mon siège.

« On va commencer par le début. Présente-toi un peu, explique-moi pourquoi tu veux bosser, et ajoute toute information que tu estimes être utile. »

Il fallut la tirade clairement agressive de la femme pour que Sif comprenne que la femme était peut-être de mauvaise humeur. La possibilité qu'une erreur de sa part soit à l'origine de l'hostilité de la femme n'était pas à exclure, après tous la femme lui avait effectivement fait des reproches. Dans tous les cas, elle fit la première fois le lien entre la femme en colère / boutique spécialisée dans les explosifs / comment les détonner. Elle rentra la tête dans les épaules, intimidée. Et pris en note qu'exiger quelque chose n'était pas poli. Une erreur à ne plus reproduire.

Le changement léger d'attitude de la femme ne changea rien à ce sujet, tout juste Sif le remarqua-t-elle. Mais même si la propriétaire était effrayante, Sif était là pour une raison précise. Elle suivit l'artificière vers l'arrière de la boutique, dans ce qui ressemblait à un atelier. Pas beaucoup mieux organisé que la boutique même. Sif fronça le nez. Elle savait qu'un atelier en désordre était mauvais pour le travail, même si elle n'avait encore jamais mis les pieds dans un atelier. Elle s’installa sur la chaise qu'on lui indiquait, bien droite, les mains posés sur les genoux. Se présenter. Donner des informations sur elle-même. Sans les explications supplémentaires, sans doute Sif aurait-elle ajouté beaucoup de détails inutile, mais l'artificière avait précisé ce qu'elle voulait entendre.

"Je m'appelle Sif Hope – un nom qu'elle avait choisi car c'était celui de sa créatrice, ce qu'elle avait de plus proche d'un parent – j'ai dix-neuf ans – là ce n'était pas elle qui avait décidé mais Akando, selon qui c'était le seul âge crédible pour chercher du travail malgré son visage presque enfantin – et je suis américaine – dans les faits elle n'avait aucune nationalité mais avait été fabriquée aux Etats-Unis, et la nationalité étrangère justifiait qu'elle n'ait pas vraiment l'air japonaise – récemment arrivée au Japon. Je cherche du travail parce que j'ai besoin d'argent. L'offre d'emploi demandait juste des bonnes connaissances en explosif et d'être disponible pendant les heures d'ouverture. J'ai des bonnes connaissances en explosifs et suis disponible a toute heure. Je remplis les critères, donc je peux travailler ici ?"

ft. Sif Hope

ft. Luadilvanis Eirenn

In my lair ...

L'air totalement à la rue de la bizarrerie ambulante qu'était cette fille changea après ma remarque acide et empreinte de sarcasmes. Elle se faisait encore plus petite qu'elle ne l'était déjà, toute pataude et intimidée. J'étais plutôt satisfaite de l'effet que je lui faisais. J'allais quand même pas me laisser marcher sur les pieds dans mon propre atelier par une petite présomptueuse comme elle, qui plus est totalement à côté de la plaque. Elle ne donnait franchement pas l'impression de savoir quoi que ce soit sur le monde du travail. Cela ressemblait d'ailleurs de plus en plus à une vieille farce, et j'espérais que l'impression écrasante et intimidante que je lui avais laissée allait la faire fuir, si effectivement c'en était une. Je n'ai pas de temps à perdre avec des gamins. Cependant, contre toute attente, après un bref regard en arrière, je la vis me suivre. Tiens donc, serait-elle réellement intéressée par du boulot ?Ou bien est-elle trop intimidée pour s'enfuir ? De toute façon, on allait très vite le savoir …

Les rideaux passés, je me sentais à nouveau plutôt bien. Il n'y avait qu'ici et en Noerphilie où cette impression de « chez-soi » me prenait. Parmi la poudre et le bordel d'un atelier, ou parmi des gens qui venaient vers moi, animés de bonnes intentions et sans peur dans un monde totalement différent, voilà où je me sentais le mieux. C'est donc tout naturel que je me sente comme un dragon dans sa tanière, contemplant cette silhouette fine et minuscule à mes yeux, assise sur cette chaise, me donnant l'impression d'être un petit agneau égaré prêt à se faire dévorer. Stressait-elle ? Si oui, c'était compréhensible. Se retrouver comme ça, dans une arrière-boutique en bazar, face à une géante a l'air hostile qui venait de la remettre en place sèchement, il y avait de quoi être nerveuse. Cependant, elle répondit de manière concise à mes questions, trop peut-être d'ailleurs. L'impression que j'avais eue un peu plus tôt concernant ses connaissances en matière de travail se vérifiait de plus en plus. J'étais quasiment certaine qu'elle ne sache rien de ce monde-là. Et puis, il y avait quelques problèmes dans ce qu'elle venait de me dire. Des incohérences assez grossières, mais suffisantes pour m'intriguer. Est-ce qu'elle cachait quelque chose, au final ? Avait-elle autant besoin de travailler, malgré ses vêtements que quelqu'un sans le sou ne pouvait se permettre d'acheter ? Et puis c'est quoi cette insistance pour me forcer la main à l'embaucher ? Je fronçais légèrement les sourcils, la fixant d'un regard inquisiteur et dur. Je jaugeais sa crédibilité, qui était franchement bancale en cet instant.

« Sif Hope, hein ? L'usage veut qu'on se présente aussi quand quelqu'un donne son nom. Luadilvanis. En revanche ... »

Machinalement, mon regard se durcit encore un peu, perçant l’œil qu'il lui restait alors que je me levais de tout mon long pour avancer à quelques centimètres d'elle. J'allais tirer au clair cette histoire en vitesse. Etait-elle réellement là pour trouver du travail, ou bien n'était-ce qu'une vaste blague destinée à me faire perdre mon temps ?

« … une américaine de dix-neuf ans récemment arrivée au Japon et qui parle la langue locale sans aucun accent ? Non, désolée, mais c'est un peu trop gros à avaler, tu crois pas ? Et puis, tous ceux qui cherchent un job ont besoin d'argent. Dis-moi, tu ne connais rien au monde du travail, hein ? On va reprendre depuis le début. Et en anglais, pour vérifier tes dires. »

L'anglais était ma langue maternelle, tout comme la sienne si la dénommée Sif venait bel et bien des Etats-Unis. Ce point serait très vite éclairci.

« D'abord, je veux connaître toutes tes motivations pour travailler. Donne-moi également ta date de naissance exacte, avec un document qui pourrait le justifier. Carte d'identité, permis de conduire, c'que tu veux tant que ça justifie ta date de naissance. »

J'insistais sur la date de naissance et non pas son âge, afin de vérifier d'une manière très simple si elle me mentait ou non. Si elle hésitait ne serait-ce que quelques secondes, je considérerai qu'elle a calculé de tête pour atteindre les dix-neuf ans d'écart, et que donc elle cachait la vérité. La double vérification à l'aide d'un papier d'identité assurait de savoir la vérité. Si elle n'en avait pas, eh bien je partirais du principe qu'elle me ment.

« J'imagine que tu n'as pas de CV avec toi. Si non, je veux au moins connaître ton parcours scolaire. Quelles études tu as fait, et de quand à quand. »

Au moins, je saurai vite si elle avait en effet étudié dans un domaine où des connaissances liées à la poudre explosive lui furent dispensées, comme elle le prétendait. Je m'étais rassise, prête à bondir sur le moindre problème avec ses réponses, tel un dragon paré à dévorer le pauvre fou qui s'était aventuré dans son antre.

Luadilvanis. Information enregistrée. Un nom qui ne correspondait pas aux standards japonais. Une étrangère comme elle ? Possible. Son physique correspondait. Mais aucune preuve certaine. Sif rentra encore la tête dans les épaules et s'enfonça dans son siège. Luadilvanis n'était plus juste intimidante, elle faisait peur. Elle ressemblait au vieux militaire. Tout juste Sif réussit-elle à hocher la tête tant elle s'était raidie, et il lui fallut presque une seconde complète, qui lui sembla comme une éternité de lutte avec elle-même, pour plonger une main dans la poche du pantalon et en tirer la fausse carte d'identité que lui avait préparé Akando. Et comme demandé, elle répondit en anglais.

"Je veux un travail parce que tout le monde a besoin d'un travail. Parce que tout le monde a besoin d'argent. Pour acheter de quoi manger, de quoi s'habiller, un endroit ou habiter, pour payer les impôts, pour pouvoir se laver, pour pouvoir se soigner, et pour acheter des objets inutiles qui font plaisir."

Elle avait tout listé d'une traite, d'une voix monocorde d'où avaient disparu les intonations habituelles, effacées par la pression et la peur. Elle marqua une pause puis tendit sa carte d'identité. Elle avait mémorisé toutes les informations qui y étaient inscrites.

"Je suis née le 8 février 1996 à San Fransisco, j'ai été à l'école public, j'ai reçu mon diplôme d'école supérieure avec spécialisation mathématiques le 19 juillet 2014 à l'école de Highgate."

Puis, comme elle commençait à avoir même du mal à parler, elle ferma son œil et finit de se recroqueviller, complètement raide. Elle se força à ajouter quelque chose, juste quelques mots qui ne répondaient à aucune question et qui filtrèrent, faibles, à travers ses lèvres à peine entrouvertes.

"Je veux juste un travail comme tout le monde."

Sujet: Re: Entretien d'embauche [TERMINE] Mar 13 Oct - 0:45

ft. Sif Hope

ft. Luadilvanis Eirenn

Echoes of the past and a test.

L'intimidation avait laissé place à la peur. Cela ne me faisait ni chaud ni froid. J'étais habituée à intimider et faire peur. J'en tirais même encore un peu de satisfaction, parfois. Dans le cas présent, j'étais contente de faire la loi et de totalement maîtriser la situation sous mon propre toit. Il n'est pas encore né, le gamin qui me fera plier, encore moins chez moi ! Cependant, j'admets que j'y étais peut-être allé un peu plus fort que ce que j'aurais voulu. En même temps, avec trois nuits blanches, des tasses de café à ne plus savoir combien j'en ai bu dans le sang, et les nerfs à vif, causant une certaine rancœur envers Sif puisque c'est en grande partie sa faute si mon travail s'est retrouvé anéanti intégralement, à cause de son cri pour se signaler alors qu'une simple pression sur la sonnette près du comptoir aurait suffi … Cela se voyait clairement à présent que la candidate était mal à l'aise. Mais elle ne cracha aucune excuse, pas plus qu'elle me supplia de la laisser partir. Finalement, elle devait réellement être intéressée par le poste … Mais son histoire de dix-neuf ans, je n'y croyais pas. Ou plutôt, je ne voulais pas y croire. Pas moyen qu'avec une tête et un corps comme les siens, elle soit majeure. Elle me tendit une carte d'identité d'un geste purement robotique, sans doute lié à sa peur. Pendant que je vérifiais les infos que j'avais demandées sur son papier d'identité, je l'écoutais attentivement me raconter ses motivations.

Plus elle parlait, plus quelque chose me dérangeait, outre sa voix tellement monocorde que je me demandais si elle était humaine … Elle voulait vraiment faire « comme tout le monde » ? D'habitude, les gens veulent se démarquer des autres, pas leur ressembler. Ils clament haut et fort leurs différences, et disent faire autrement que la masse. Mais pas elle. Et ça, ça me dérangeait. Si elle avait des problèmes de reconnaissance pour se faire des amis, c'est clairement pas en cherchant du boulot qu'elle réglerait le souci. Alors pourquoi voulait-elle à ce point rentrer dans le rang ? Elle aurait pu partir depuis belle lurette si elle n'était pas un peu désespérée quelque part. C'est vrai que je suis loin d'être la personne la plus douce et facile à vivre, et sans doute pas la patronne la plus aimable qu'on puisse avoir, et je pense que Sif s'en est déjà rendu compte. Alors pourquoi persister ? Elle me débita mécaniquement des informations qui semblaient être correctes sur son identité, sans hésiter. Cela semblait être vrai donc … Quoi que le doute n'arrivait pas à s'échapper de mon esprit. En revanche, aucune trace d'études en rapport avec la poudre, seulement des mathématiques. Etrange. La voyant presque sur le point de craquer, je poussais un long soupir, et lui prépara du café. Je pus à peine entendre ses derniers mots, qui résonnèrent d'une drôle de façon dans mon esprit. C'était comme une remarque pour elle-même, comme un mal-être, une envie d'intégration dans la société. Comme si elle se sentait exclue. Et ça, c'est quelque chose d'important à mes yeux. J'étais persuadée qu'elle voulait pleurer, mais qu'elle ne pouvait pas. La peur ? Une autre raison ? Le doute subsistait sur son identité, et avec l'arrivée de la Noerphilie, je ne pouvais pas être totalement sûre qu'elle était originaire de ce côté. En y réfléchissant bien, tout semblait aller en ce sens. Cela pouvait expliquer tous ces problèmes qu'elle avait rencontrés en me demandant de travailler. Le café finit par être prêt, et je lui tendis la tasse, l'air un peu plus calme. Je m'en fis une de plus en même temps.

« Tiens. Bois, ça te fera du bien. Je vais être franche avec toi. Malgré cette carte d'identité, y'a trop d'éléments dans ton histoire qui ne collent pas. Et avec cette histoire de Noerphilie … Je pense pas que tu sois vraiment humaine. Tu n'as pas fait d'études en rapport avec les explosifs ou même rien qu'avec la poudre. Tu es bilingue sans aucun accent alors que tu dis être arrivée récemment ici. Tu ne sais visiblement rien du monde du travail, tu as des manières de machine, et une façon de penser qui ne colle définitivement pas à une fille de dix-neuf ans aussi bien habillée. »

Je croisais les bras, l'observant un peu, ratatinée et toute penaude sur sa chaise. Maintenant, j'avais un peu de peine pour elle. Je me grattais un peu la tête et soupirait longuement et fortement.

« Ecoute, on va faire un truc. Tu m'as dit avoir des connaissances en explosifs, hein ? Pendant que tu me racontes la vérité sur toi et tes motivations pour bosser, tu vas essayer de me rattraper la fusée pour laquelle t'as contribué à la foutre en l'air tout à l'heure, en gueulant pour te signaler. Si tu fais tes preuves, j'verrais ce que je peux faire pour toi. »

Je ramassais la fusée et la posais sur le bureau, me levant pour lui laisser la place. Les notes et mes calculs étaient incompréhensibles pour quiconque n'avait aucune affinité avec mon métier, mais elle devrait en comprendre une petite partie si effectivement il y avait une part de vérité dans ses dires. Elle pourrait au moins revérifier le dosage de poudre, et la répartition des proportions dans le corps de la fusée. Buvant mon café, adossée au mur, je pris une voix plus compatissante et lui adressais quelques mots avant le début de son test d'embauche. Des mots de sympathie. Je suis peut-être imposante, mais pas dénuée de compassion.

« Je sais aussi ce que ça fait, d'être exclue. »

Et c'est tout ce dont elle devra se contenter.

Refermée comme elle l’était, Sif ne remarqua pas ce que Luadilvanis faisait. Tout juste entendit-elle le soupire, les bruits de pas, et les bruits d’une machine qu’elle ne reconnaissait pas. Pas vraiment le silence, juste l’attente d’une réaction. Longue, pleine d’incertitude et d’appréhension. Qu’allait-elle faire ? A ce point, s’entendre dire qu’elle n’était pas qualifiée pour le poste serait presque un soulagement. Le signe qu’elle pouvait s’enfuir. Mais ce ne fut pas ce qui vint. Quand Luadilvanis reprit la parole, ce qu’elle dit était à la fois mieux et pire. pas - - vraiment humaine - - des manières de machines - - tu ne sais - -rien. Elle avait essayé pourtant. D’être normale. De faire comme tout le monde. De ne pas être différente. Mais elle n’y était pas arrivée. Elle ne savait pas comment faire. Son œil se rouvrit et elle releva la tête, lentement, encore rigide. Elle n’y était pas arrivée, et Luadilvanis était hostile à cause de ça. Pourtant elle ne la rejetait pas. Elle ne lui demandait pas de partir, de disparaitre, elle n’avait pas peur ou ne s’en prenant pas à elle. Elle demandait la vérité. Les gens normaux n’avaient pas besoin de cacher la vérité sur eux. Peut-être qu’elle aussi devait dire la vérité si elle voulait être traitée comme tout le monde. Elle se releva lentement et pris la tasse à deux mains. Dire la vérité. Elle ne voyait pas comment la vérité pourrait rendre la situation pire.

Le bureau était la partie la mieux rangée de l’atelier, et pourtant il restait beaucoup trop désordonné. Le désordre faisait perdre du temps, quand il ne faisait pas perdre autre chose. Mais Luadilvanis ne lui avait pas demandé de ranger. Juste de finir la fusée. Sif posa la tasse sur un coin dégagé du bureau avant d’inspecter la dite fusée ainsi que les notes, probablement liées, qui encombraient le plan de travail. Ecartant juste les papiers pour pouvoir tous les voir, Sif enregistra schémas et formules. Puissance de poussée, altitude de détonation, compartimentation des charges et composition chimique, préparations et isolation des mèches. Un feu d’artifice. Un explosif conçu pour s’élever loin de tout et exploser en créant un motif sans risquer de blesser un potentiel public. Les calculs étaient complets et prenaient beaucoup de points en compte. Le peu qui n’était pas précisé elle pouvait le compléter avec ses connaissances personnelles. La seule inconnue était l’avancement actuel de la fusée, que Sif prit dans une main pour l’étudier. Les charges servant au décollage et à la propulsion étaient complètes, la charge initiale était installée mais la quantité d’explosif était insuffisante, les charges secondaires étaient vides. Avant de commencer le travail à proprement parler, Sif marqua une pause. Pendant que - - me rattraper la fusée - - la vérité sur toi et tes motivation. Oui, Luadilvanis voulait la vérité. Sif hocha la tête. Sa voix était à peine plus forte, mais moins monocorde.

"Je ne suis pas vraiment humaine. Pas du tout. Je suis une machine, créée de toute pièce. J’ai été conçue pour mener une vie ordinaire, vivre avec des gens normaux, vivre comme eux. C’est tout ce que je veux. Mais je ne sais pas comment faire."

En parlant elle continuait de travailler. Elle fouilla parmi les réserves de composés ceux nécessaires pour finir la fusée, prélevant les doses exactes grâces aux outils et balances, manipulant le tout avec rapidité, précision et efficacité. Ses gestes étaient fluides, rapides, optimisés, et pas ralentis par la fatigue ou la frustration.

"Mais les gens normaux ont un travail. Ils gagnent de l’argent, ils le dépensent. Ils ont un chez-moi à eux, des vêtements à eux, pas ceux de quelqu’un d’autre. Ils ne dépendent pas de quelqu’un. Je veux juste être quelqu’un de normal."

Elle compléta la fusée en refermant le cylindre extérieur, comme indiqué sur les schémas. Le résultat final ressemblait à une grosse fusée de détresse, ce qui était logique puisqu’elle avait un fonctionnement similaire. Sans oser regarder Luadilvanis, toujours trop craintive pour ça, elle tendit néanmoins la fusée dans sa direction.

"Je sais d’autres choses, mais je ne sais pas comment être normale."

ft. Sif Hope

ft. Luadilvanis Eirenn

What is normality ?

Sif avait une pression monstrueuse sur les épaules à présent. Je pouvais affirmer sans avoir peur de me tromper que si elle avait la possibilité de disparaître instantanément, elle le ferait en cet instant. Généralement, j'ai pu observer deux types de réactions face à un stress intense comme celui qu'elle subissait actuellement : soit le sujet se met en colère et mord l'attaquant, soit il craque et finit par avouer certaines choses. Motivations, vérité derrière les mensonges et j'en passe. La jeune fille qui se tenait face à moi donnait bien plus l'impression d'être dans la seconde catégorie. Le café que je lui avais offert sembla la distraire un peu. Sûrement moins que la fusée dont elle allait s'occuper, d'ailleurs. D'habitude, je n'aime pas qu'on touche à mes schémas et mes notes, mais c'était sans doute le moyen le plus rapide et efficace pour savoir si oui ou non Sif possédait des compétences en explosifs. Elle avait l'air moins crispée, maintenant qu'elle avait quelque chose sur lequel se concentrer.

Buvant par petites gorgées le café brûlant, j'écoutais attentivement son histoire. Mon instinct et ma logique ne s'étaient donc pas trompés sur un point : Sif n'était pas vraiment une humaine. Cela dit, j'aurais jamais cru voir un androïde aussi perfectionné en face de moi. Je l'aurais plutôt classée comme étant une native de Noerphilie. Comme quoi … Cette révélation ne m'étonna pas plus que ça. Après tout, cela expliquait tous ces problèmes qu'elle avait rencontrés en venant me demander de l'embaucher. Elle devait avoir été activée il y a peu, ou bien elle a subi un reboot de mémoire, ou je ne sais quoi d'autre. Du coup, voilà pourquoi elle était autant à côté de la plaque … Elle me confirma également ne pas savoir comment faire pour être « normale ». Ca, c'était de la question existentielle. Merde, elle me faisait même réfléchir sur des thèmes philosophiques maintenant, cette petite. Elle n'avait pas tort, les gens finissent toujours par chercher du travail, se faire plaisir avec leur salaire, payer les factures, prendre leur indépendance … Quelque chose attira cependant mon attention dans ce qu'elle venait de dire. « Ils ne dépendant pas de quelqu'un », hein ? J'en déduisis que ces vêtements bien trop impeccables pour quelqu'un comme elle étaient donc bel et bien à quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui devait sans doute l'héberger et s'occuper d'elle. Bon, au moins elle avait un toit pour l'instant.

J'observais ses gestes et mouvements. Ils étaient précis, minutieux et sûrs à un point tel que c'était impossible qu'elle travaille à l'aveugle, priant pour que ce qu'elle fasse soit correct. Elle n'avait donc probablement pas menti sur ce point. Elle était efficace, et sans doute pas affectée par la fatigue ou l'irritation dont j'étais victime, la faute à un manque de temps et de sommeil flagrant. Un avantage certain, quand on est un androïde. C'était comme si ses sentiments étaient occultés par sa programmation, en fait. Quelque part, je trouvais ça un peu triste, et sans doute elle l'était aussi. Elle voulait simplement vivre tranquillement sa vie comme une humaine le ferait, sans avoir besoin de s'inquiéter de comment se comporter, si j'avais bien compris. Question épineuse. Je fais partie des gens qui préfèrent envoyer bouler la masse, quitte à vivre recluse et ignorée des autres. Cela me permet de garder près de moi ceux qui le valent vraiment. Alors qu'elle me tendit la fusée, une fois terminée en un temps record qui m'impressionna un peu, mais qui me hurlait de vérifier derrière, elle termina sur une note qui me semblait être une question voilée. Me désintéressant d'elle, observant sous toutes les coutures le travail de Sif, je lui répondis d'un ton bien plus calme et doux que ce qu'elle avait pu entendre jusqu'à présent venant de moi.

« C'est normal que tu ne saches pas comment être normale. La normalité, c'est rien d'autre qu'un terme subjectif dégueulasse qui sert de prétextes aux plus gros enfoirés sur Terre pour faire passer leurs idées à la con et manipuler les gens en masse. J'peux comprendre que tu veuilles vivre une vie simple, mais à force de trop espionner le voisin, tu finiras par n'être qu'une copie pâle et sans relief, inintéressante. Ne fais pas tout comme les autres, c'est un conseil. Trouve-toi des passe-temps, fait ce qui te plaît, même si ça va à l'encontre de ce que tu crois être la normalité. C'est pas en copiant les autres que tu te feras un entourage sincère. »

La fusée était impeccable. Elle avait indéniablement des affinités avec ma profession. Ce n'était pas un coup de chance, le côté scientifique d'un artificier est impitoyable. Une erreur, aussi infime soit-elle, peut causer de gros dégâts. Finissant mon café, je reportai mon regard sur Sif après avoir posé sur le bureau le fruit de notre travail commun.

« Un petit conseil, à l'avenir, pense d'abord à ce que tu veux réellement avant de penser à être acceptée par les autres. Tu finiras toujours par attirer des personnes qui s'intéressent à toi pour de vrai en affirmant ta propre personnalité, alors que si tu fais comme tout le monde, tu attireras sans doute des hypocrites qui se foutront de toi au moindre problème. Facile à dire, mais ça m'a bien réussi jusqu'à présent. »

Je me rassis sur ma chaise, lâchant un long soupir et me massant les tempes. La migraine commençait à poindre, suuuper !

« Ben putain, tu m'as salement fait marcher le cerveau, déjà qu'il était bien en compote … Enfin bref. Je reconnais que t'as des compétences. Bon, pour l'accueil, ça sera sans doute une autre paire de manches … Bon, j'ai quelque chose à te proposer. J'ai bien compris que tu voulais un travail pour commencer ta vie d'indépendance. Seulement voilà, j'ai une question pour toi. Est-ce que tu veux réellement faire ça ? Tu te vois vraiment contente, satisfaite, heureuse et motivée à bosser ici, derrière ce comptoir, quitte à ne voir qu'un ou deux clients durant les périodes creuses de l'année ? En fonction de ta réponse, je te dévoilerai la proposition que j'ai à te faire. »

J'avais envie de la faire réfléchir sur sa propre condition, et l'éveiller à son individualité. Certes, c'est sans doute compliqué pour un robot de développer sa propre personnalité d'un coup, comme ça, mais elle me rappelait quelque part moi-même quand j'étais plus jeune, à chercher à m'affirmer et à ne pas me laisser faire par les autres pour finalement qu'on me reconnaisse. Dans ce monde, c'est bousculer les autres, ou se laisser marcher dessus. J'ai choisi la première option, et si Sif choisissait d'aller en ce sens, je garderais l’œil sur elle pour l'empêcher de se faire écraser par la masse.

Sujet: Re: Entretien d'embauche [TERMINE] Ven 16 Oct - 0:00

Sif laissa retomber son bras après que Luadilvanis ait prise la fusée puis resta immobile, le regard baissé, n'osant toujours pas regarder l'artificière. Elle avait beau être plus calme et moins agressive, Sif se souvenait toujours de la façon dont elle avait été accueillie. Elle se souvenait toujours de tout. Ce qui ne l'empêcha pas d'écouter, d'enregistrer, et de réfléchir. La normalité n'existait pas. commencer une vie normale. C'était ce pour quoi elle avait été conçu. Être normale. Alors si la normalité n'existait pas, que devait-elle faire ? Ne fais pas tout comme les autres - - va à l'encontre - - la normalité. Qu'est-ce qui était le contraire de la normalité ? Qu'est-ce qu'elle devait faire ? une vie simple - - des passe-temps - - un entourage sincère Des choses agréables. Ce que tout le monde voulait. Elle aussi ? Qu'est-ce qu'elle voulait ? Elle ne s'était pas posée la question. Elle avait juste cherché à faire ce qu'elle devait faire, parce qu'elle ne savait pas quoi faire d'autre. ce que tu veux réellement. Est-ce qu'elle pouvait vouloir quelque chose ? Elle serra le poing, passant en revue ses souvenirs.

Oui. Elle pouvait. Elle - Je dois crier. Je dois l'arrêter. Je dois fuir. - - Je refuse - - Je - Non. Plus récent. L'image des rues d'Iteku. Des groupes d'inconnus qui discutent. Qui sourient. Qui rient. Qui chantent. Ensemble. Impression de ne pas être à sa place. Que quelque chose manque. Rire, sourire, faire sourire. - - Des vitrines. En exposition, des mangas. Des comics. Des livres. Des jeux. Des séries d'animations sur des écrans dont le son est atténué par les épaisses vitres. Le besoin de s'arrêter. De les regarder. De rentrer, de les acheter, de les regarder, de les lire, de leur consacrer du temps - - Le canapé d'Akando. La télévision allumée. Une série dont elle connaît déjà le déroulé à la perfection. Le besoin de regarder malgré tout. Sensations agréables. Ne pas penser au reste. Profiter du moment. Heureuse ? Peut-être. Elle serre le poing. Impossible de regarder Luadilvanis, mais sa voix a retrouvé de la force et des intonations.

"Je veux rire. Je veux sourire. Je veux chanter. Je veux des gens avec qui le faire. Je veux lire, jouer, regarder, je veux avoir des choses à faire, je veux prendre mes décisions, je veux faire des choses parce que j'en aie envie plutôt parce que c'est ce qu'il faut faire, je veux des souvenirs que je peux revisionner sans me sentir mal, je veux…"

Elle marqua une pause. Pourquoi dire tout ça ? Parce qu'elle le pensait. Mais pourquoi ? Elle releva le regard droit face à elle, à hauteur de la poitrine de Luadilvanis.

"Je veux être heureuse."

Nouvelle pause. Au milieu du flot des souvenirs, des réflexions et des interrogations, un souvenir récent s'afficha. Luadilvanis avait posé une question. Les questions appellent des réponses. Elle hocha la tête et leva les deux poings serrés à hauteur de ses épaules, les trais de son visages durcis par la certitude.

"Je veux aussi un travail. Pas pour être normale. Seulement pour savoir ce que ça fait. Oui, je veux vraiment faire ça, mais je ne sais pas si je serais contente, satisfaite, heureuse et motivée. Je saurais après avoir travaillé."

ft. Sif Hope

ft. Luadilvanis Eirenn

Such childish thoughts ...

J'étais loin d'être la meilleure pour faire des discours, encore moins pour insuffler de la motivation aux autres. Je me contentais d'agir à ma façon, sans jamais rien attendre en retour. C'est ce que j'appelais faire ce qui me plaît. Aider ceux dont j'estime qu'ils le méritent fait partie de mon libre arbitre. Je le fais parce que j'en ai envie, et non parce que je le dois. C'est cette idée de base que je voulais donner à Sif, avec mes faibles compétences oratoires. Pas sûre qu'elle saisisse précisément ce que je voulais dire, mais au moins, elle se ferait sa propre idée et tracera son chemin comme elle l'entend … J'imagine. Dans tous les cas, si elle décide de rester suite à la trouille bleue que je lui ai filée visiblement, je veillerais à ce qu'elle développe son libre arbitre comme il se doit. Mon petit speech maladroit faisait tout de même effet, ça se voyait. Sif cogitait et s'agitait un peu sur sa chaise. Je pouvais presque voir la fumée s'échapper de son crâne. Pendant qu'elle réfléchissait sans doute à mes mots et théorisait sur le sens de la vie, tout ça tout ça, moi, je me contentais de me refaire un café. Cette petite explosion d'irritabilité un peu plus tôt m'avait rajouté un peu de fatigue sur le dos. L'androïde reprit la parole au moment où le liquide corsé venait de finir de couler dans mon mug. Me retournant pour lui faire face, sirotant le café, j'écoutais attentivement sa réponse, déterminante pour nos deux avenirs respectifs. Enfin, plus pour le sien que pour le mien.

Elle me parla plus distinctement, de façon moins monotone. Beaucoup moins. C'était une tirade qui venait du fond du cœ … enfin, ce qui lui servait de cœur. C'était quelque chose de sincère, bien que vraiment simple et un tantinet naïf et innocent. La fameuse recherche du bonheur, hein … Avoir des amis, rire avec eux, oublier les soucis du quotidien, avoir un sourire dessiné toute la journée sur le visage, faire des trucs cons mais marrants avec eux … Un rêve de gosse. Mais pouvait-on vraiment lui en vouloir ? C'est vrai que cette vision des choses est assez séduisante, mais la réalité est bien différente. Elle s'en rendra compte bien assez vite, la petite Sif. Mais les déceptions font partie de la vie, et il est hors de question que je l'empêche d'en essuyer quelques-unes. Elle m'a l'air d'être comme une enfant en plein apprentissage, en train de s'éveiller au monde. A mon sens, il est important qu'elle se heurte à la négativité, sans négliger les bonnes choses bien entendu. Heh, voilà que je me donne l'impression d'être une mère derrière sa fille, alors que j'ai horreur des gamins. Elle releva un peu les yeux, cessant de fixer le sol de peur. J'espérais qu'elle ait la force de me regarder droit dans les yeux, mais apparemment ce fut trop lui demander. Il se stoppa au niveau de ma poitrine. D'ordinaire, j'aurais éclaté la face d'une personne qui me fixe à cet endroit, mais venant de Sif, c'était autre chose. Elle avait déjà le courage de relever un peu la tête, et je sais récompenser les efforts fournis à leur juste titre. Fouillant dans un tiroir précis, à l'aveugle durant de longues secondes de silence, je finis par sortir un dossier. Une lecture rapide du titre me confirma que c'était ce que je cherchais.

« C'est louable, ce que tu veux. Naïf, mais louable. Je vois que tu es encore ici malgré tout, et que tu viens de me déballer ce que tu veux vraiment. C'est bien, c'est déjà un joli pas pour toi. »

Je m'approchai d'elle, posant mon index sous son menton, le levant jusqu'à ce qu'elle soit obligée de me fixer dans le blanc des yeux. Je la perçais littéralement du regard, avant de lui sourire gentiment et de la lâcher pour tapoter doucement la tête.

« Voilà le deal. Je veux bien te prendre à l'essai pendant une semaine. Si je vois que tu t'en sors bien à la fin de la période de test, et que tu n'as pas envie de laisser tomber, le poste est à toi. Tout ce que tu as à faire, c'est de prendre ces papiers et de les remplir. J'm'occuperais du reste. »

Je lui tendis le tas de feuilles agrafé … ainsi que la fusée qu'elle venait de terminer pour moi.

« Un souvenir. Avec du repos je pourrais la réassembler aussi vite que tu l'as terminée. Et bien sûr, ne t'amuse pas à la faire exploser s'il y a du vent, s'il pleut ou si tu es dans un espace non ouvert ou trop petit, hein. Si tu comptes la faire exploser, évidemment. »

J'imagine qu'il est important pour un androïde d'avoir quelque chose de matériel pour se rappeler et pour pouvoir « montrer » leurs souvenirs à ceux qui leur sont chers … Tout du moins, c'est ce que je pensais. Aucune idée de si c'était vrai ou non.

« Tout ce que je peux te dire, c'est que si tu acceptes, eh bien bienvenue à bord. Ca sera pas une partie de plaisir compte tenu de mon caractère, mais ça prouve que tu manques pas de courage ma petite. »

Toutes les cartes sont dans tes mains, Sif. A toi de décider pour ton futur, à présent.

Le geste de Luadilvanis prit Sif par surprise. Elle desserra les poings, gardant les bras devant son torse, et se laissa faire. Tout juste tenta-t-elle de rentrer la tête dans les épaules au moment de regarder Luadilvanis en face, car même si ses trais s'étaient radoucis Sif n'avait pas oublié sa frayeur, et plus encore quand elle vint lui toucher la tête. La deuxième fois, il s'agissait plus d'un réflexe sans fondement que réellement d'une réaction due à la peur. Elle avait néanmoins gardé son regard sur le visage de l'artificière tout ce temps, un peu pour ne pas la contrarier et un peu pour se prouver qu'elle pouvait le faire.

Elle le détourna seulement pour le poser sur le dossier et le feu d'artifice. Elle détendit les bras, attrapant les papiers dans une main pour les consulter et la fusée de l'autre. Un contrat de travail. Elle ne connaissait pas la signification de toutes les questions, mais en comprenait la plupart. Elle devrait demander l'aide d'Akando pour les autres. La fusée, quand à elle… Elle ne savait pas quoi en faire. Un feu d'artifice n'avait d'autre utilité que d'être utilisé pour produire une explosion cosmétique et sans risque. Un objet à usage unique, transformé en cendres et perdu dans les airs après sa première utilisation. A ne pas utiliser sans réfléchir. Elle la rangea dans la poche intérieure de sa veste, le dossier toujours dans la main, puis se retourna vers Luadilvanis. Cette fois pas de question, mais ça ne l'empêcha pas de parler.

"Je reviendrais dès que j'aurais rempli le papier. Je veux un travail… Non. Je veux ce travail."

Elle ne savait pas trop pourquoi. Parce qu'elle avait du subir la mauvaise humeur de Luadilvanis pour l'avoir ? Un autre aurait peut-être été plus difficile. Parce qu'il lui plaisait ? Elle n'avait pas encore essayé. Aucune raison rationnelle ne justifiait qu'elle cherche spécifiquement ce poste. Pourtant, maintenant qu'elle avait parlé avec Luadilvanis, elle voulait vraiment travailler dans la boutique de l'artificière.

Comme il n'y avait, d'après elle, plus rien à ajouter à ce sujet, Sif réfléchit à la suite. Aucun autre sujet à aborder dans l’immédiat. Aurait-elle été plus habituée au fait de travailler qu'elle aurait sans doute eu de multiples questions – sur son salaire par exemple, ou sur ce qu'elle serait en droit de faire ou non dans la boutique – mais ce n'était pas le cas et elle n'en avait aucune. Ne lui restait plus qu'à partir, retourner à l'appartement d'Akando pour y remplir le contrat de travail. Ensuite elle pourrait le rapporter et commencer à travailler. Mais avant ça, clore la discussion. Pour clore une discussion, justifier son départ puis saluer avant de partir. Elle se pencha en avant, le torse droit et les bras raides.

"Merci pour le poste. Je vais aller remplir les documents. Au revoir."

ft. Sif Hope

ft. Luadilvanis Eirenn

Her first step.

Le contact physique entre ma main et sa tête sembla la déstresser un peu. Je la sentais et la voyais un peu moins tendue, peut-être un peu plus en confiance ? Malgré le fait qu'elle ait tenté de rentrer sa tête entre ses épaules, mettant ça sur le compte de la surprise plus qu'autre chose, elle continuait de soutenir mon regard plutôt que de le baisser. Et ça, j'appréciais. Elle en avait sous … euh … sous le capot ? A moins que son torse soit fait d'une peau artificielle. Enfin bon, qu'elle soit une machine ou une humaine, ça n'avait aucune importance pour moi. Je la traiterai comme je le ferai avec n'importe qui d'autre. Ca tombait bien, puisqu'elle voulait avoir une vie simple comme celle de monsieur-tout-le-monde.

Je n'étais pas fan de la paperasse, et comme mon atelier était d'une taille très modeste, inutile donc d'avoir plusieurs employés. Cela m'arrangeait pas mal, surtout en ce moment où je n'avais pas vraiment le temps de me pencher sur dix millions de feuilles à remplir, des déclarations à faire et compagnie … Beaucoup de complications, en somme. Mais je pouvais très bien faire l'effort pour Sif. Elle l'avait bien mérité. J'espère que sa période d'essai se passera bien, pour elle comme pour moi. Trouver un employé qui me supporte, c'est déjà un exploit en soi, alors si en plus il doit avoir des compétences d'accueil et des connaissances, même basiques avec la poudre, autant dire que très peu de personnes sont éligibles de base. Dans le cas de Sif, ce que je redoutais le plus, c'est qu'elle se plante, sans jeu de mot, dans le relationnel. J'ai cru déceler chez elle une méthode de pensée très binaire, qui relevait de la logique brute. Sans doute était-ce sa programmation, mais cela pouvait poser quelques petits problèmes, comme elle avait pu en faire les frais dès qu'elle est entrée ici. Au pire, je l'encadrerai un peu, mais j'espère qu'elle fera des efforts de son côté, quitte à s'entraîner. Elle prit d'ailleurs la parole, et elle me sembla plus déterminée qu'à son entrée. Bien, un autre bon point pour elle.

« Eh bien si c'est celui-là que tu veux, tant mieux. Au moins, t'es motivée, c'est le plus important. Il n'y aura plus qu'à juger tes compétences relationnelles durant la semaine à venir. »

Un petit sourire confiant se dessina sur mes lèvres, avant qu'un énorme bâillement silencieux ne déforme le tout. Je crois que cette journée allait être annulée, finalement. Mon lit m'appelait de l'étage, et il devenait difficile pour moi de repousser ses avances si tentantes, tel le chant d'une sirène envoûtant un marin. Timing parfait, Sif était sur le départ.

« N'oublie quand même pas que tu as une semaine pour faire tes preuves avant d'avoir définitivement le poste. Je veux voir tes compétences de relationnel avec la clientèle, mais comme l'atelier était censé être fermé aujourd'hui, je ne vérifierai pas ça tout de suite. Juste un conseil … Souris. Tu devrais peut-être afficher plus de … d'émotion, sur ton visage. C'est ce qu'on fait, normalement, et je pense que ça t'aiderait à me convaincre de tes capacités. Je compte sur toi. Demain, j'attends que tu te pointes ici à neuf heures précises pour ton premier jour. »

En réponse à ses salutations typiquement japonaises et respectueuses, je lui fis un signe de la main.

« A demain, donc. Et bon courage. Pense bien à préparer d'éventuelles questions si jamais tu en as, parce que j'ai pas beaucoup de temps à consacrer à des choses annexes comme te renseigner ou te former, je suis en retard sur mes commandes. »

Sur ces mots, j'attendis son départ avant de remonter à l'étage et de m'étaler de travers sur mon lit, pensant un peu aux difficultés qu'allait très certainement rencontrer la petite Sif. Je n'allais pas me voiler la face, devant la diversité des clients, elle allait devoir prendre beaucoup sur elle pour s'adapter. Certains n'y connaissent vraiment rien de rien, même pas de se servir d'une fusée correctement en respectant les consignes de sécurité, alors que d'autres y étaient habitués. Il se pouvait que certains clients soient aussi de plus ou moins bonne humeur, et elle allait devoir faire attention à ça et ne pas trop se laisser emporter comme je le faisais. Je lui faisais confiance et j'avais foi en elle. En effet, bien qu'elle soit une machine, elle a quelque chose pour lequel se battre et être motivée. Un rêve, plus communément appelé. Et ça, c'est une sacrée force. Venir me voir, confronter sa résolution à mon caractère et mes manières assez peu gentilles pour le coup m'a convaincu de sa force d'esprit. C'était donc un premier pas sur le long chemin qu'elle commençait à tracer, et j'avais envie de lui donner cette chance de poser la première brique de sa future habitation. Le reste est entre ses petites mains, à présent … Bon courage, Sif.

HRP:

Elle fit un dernier signe de la tête pour signifier qu'elle avait entendu les conseils puis se tourna, sortant de l'atelier et traversant la boutique jusqu'à être dans la rue. - Souris - En marchant vers l'appartement d'Akando elle tourna le regard vers les façades en verres semblables à des milliers de miroirs le long du chemin. /- Souris -/ Son visage était neutre, inexpressif. Continuant à marcher, elle se força à sourire. Elle connaissait l'expression, elle savait à quoi elle ressemblait, elle savait comment la reproduire. Sans qu'elle ait beaucoup d'efforts à produire, un sourire s'afficha sur son visage. La déformation de la bouche se répercuta sur tout son visage. Ses joues, son œil. Une copie exacte de l'expression des humains normaux lorsqu'ils étaient heureux. L'exercice n'était pas difficile. Elle pouvait le maintenir tant qu'elle travaillerait si Luadilvanis estimait que c'était préférable. - C'est ce qu'on fait, normalement - En fait elle pouvait le faire même hors du travail. Sourire.

Sujet: Re: Entretien d'embauche [TERMINE]

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Entretien d'embauche [TERMINE]

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