Les choses auraient pu être parfaites, quand j’y pense… Mes parents m’aimaient, j’étais un bon élève, poli et aimable, je ne faisais jamais de conneries. Bon, bien sûr que parfois j’étais jaloux des autres, quand ils avaient de meilleurs jeux que moi. Comme à tous les gamins, ça m’arrivait de me battre aussi, mais j’étais gentil la plupart du temps. Au lycée j’avais même une copine, Asanobu, c’était son nom. Elle et moi on était bien ensemble. Alors pourquoi, pourquoi je me suis retrouvé tout seul ?

C’était en 2005. Pendant l’été. Je venais d’entrer à l’université de médecine. J’avais des notes moyennes, comme tout le monde au début, c’était dur, mais je me sentais bien au milieu de tous ces futurs génies du scalpel ou de la radio. J’avais trouvé ma voie, sauver des vies. Mes parents étaient fiers de moi, de ce que j’étais en train de devenir.

Mais ils n’ont pas pu l’être bien longtemps…

Au milieu d’une promenade en ville, dans un petit centre commercial, on s’amusait bien. On venait de manger au McDo, on se dirigeait vers les magasins de vêtement. Moi et mon père on savait qu’on était partis pour au moins deux heures à déambuler là-dedans, pour que maman choisisse des dizaines de robes, trois paires de chaussures, quatre chapeaux, et qu’au final elle repose tout parce que sa carte bleue est vide. C’était une sorte de rituel, à chaque fois qu’on venait ici, et on s’y était habitués avec papa. Lui et moi on en profitait pour discuter, « entre hommes ». Ce jour-là on a parlé d’Asanobu. On prévoyait de se fiancer après mes études elle et moi, donc on avait encore quelques années devant nous, mais mon père voulait de plus en plus savoir comment ça se passait entre nous. Moi ça me gênait, mais je ne pouvais pas lui refuser éternellement quelques bribes d’informations. Alors on a parlé, de tout et de rien. Maman, elle, flânait çà et là au milieu des rayons, mais en regardant sa montre elle se rappela qu’une amie l’attendait pour prendre un café. Le lèche-vitrine attendrai un autre jour. Moi et papa on était un peu content de cette décision, mais on ne le montrait pas.

Tous les trois, on se dirigeait vers l’entrée du magasin. Maman souriait parce que papa avait accepté de lui acheter un tablier qu’elle aimait beaucoup. Moi je n’avais rien pris, je restais un simple étudiant. C’est à ce moment précis de ma mémoire que ça devient flou. J’entends d’abord des cris, puis les gens se mettent à courir, des coups de feu, mon père qui tombe, ma mère qui fond en larme, j’essaye de la raisonner, de lui dire de partir, mais une autre balle l’a déjà tuée ! Et moi… et moi on me tire, on me tire en arrière, loin de mes parents ! A ce moment-là y’a un blanc. Je sais seulement que je me suis réveillé chez moi, dans mon appartement pourri d’étudiant en médecine, et que j’étais seul.

J’ai fait une dépression après ça. Le mec qui avait tiré sur la foule était un taré mental, qui s’est suicidé après avoir pété son câble. Il s’en tirait bien lui. Pas de punition, il ne perdait rien… On ne lui avait pas enlevé ses parents à lui ! Ma copine, Asanobu, m’a quittée. Je la « saoulait trop » à ce qu’il parait. J’étais définitivement seul… Je n’allais plus en cours, ça ne servait à rien. A quoi ça pouvait servir de sauver des vies alors que des gens se permettaient d’en prendre à loisir sans qu’on ne puisse rien y faire ?! Pendant trois mois, je ne faisais plus rien. Je restais dans mon lit, à regarder des chaînes de télé débiles. Puis cette publicité passa. « Nous sacrifions nos vies pour sauver la vôtre. Les forces de l’ordre, toujours là. » C’était un message concis, mais qui fut incroyablement efficace. J’ai longtemps réfléchi après, allais-je vraiment sauter le pas ? Il n’était plus l’heure d’hésiter.

Les jours suivants je m’engageais à l’école de police. Instruction juridique, athlétisme, exercices de tirs… jour après jour, mois après mois, j’étais le meilleur. Si bien que j’ai obtenu mon diplôme plus rapidement que les autres. A 22 ans, j’étais chez les flics de la ville, comme chef de service. Je ne démarrais pas du bas de l’échelle, c’était appréciable, mais je visais plus haut. A mon poste, on n’arrêtait pas les grands criminels, mais les petites racailles. Je voulais plus, je voulais changer les choses, protéger durablement les gens. Et j’y parvins rapidement. En quelques années, je suis arrivé à mon poste actuel, capitaine de police. J’enquêtais sur des affaires bien plus graves, de drogue ou de jeux d’argent. Il me plaît mon boulot, et ce que je fais plaît aux supérieurs, alors ça va.

Puis au mois d’avril 2015, voilà autre chose. Tous les écrans affichent subitement la même chose. Un pirate ?! Non… C’est une petite fille. Elle porte un masque, mais sa voix aigüe me transperce quand même les tympans. « Hello everyone ! » on dirait une pub pour du déodorant franchement… Mais le discours est bien plus sérieux que ça. Elle parle d’un nouveau monde, une nouvelle vie ! Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Au commissariat on n’en revenait pas. Y’en a, après le discours, qui ont essayés ce qu’elle disait, et ils ont disparus ! Plus étonnant encore, ils pouvaient revenir ! Ils nous racontaient que le monde derrière les écrans était magnifique, coloré, que les gens parlaient bien, sentaient bon… Bordel ! C’est quoi ça ?! Alors j’ai finalement essayé moi aussi, et ça a marché… Je me retrouvais dans un nouveau corps, l’épée à la main, et j’avais le pouvoir de voir tous les crimes de tout le monde, de voir qui était d’Iteku, ou pas ! J’avais le pouvoir de débusquer chaque criminel qui pensait pouvoir fuir la Loi en Noerphilie ! Mais dans le monde réel, je continuais de bosser, et j’avais un objectif maintenant.

Trouver qui avait créé cette chose. La Mayonaka Channel, c’est forcément une couverture ! Je veux le vrai responsable ! Des gens meurent dans son putain de monde ! Des criminels s’y cachent et sèment la terreur ! Je vais trouver ce type, et l’obliger à s’expliquer devant la justice !

Je suis Kimura Ike. La Loi et l’Ordre… c’est moi !