... Comme un tunnel, noir et jaune, se tordant au fil de son passage. Puis un choc. Ses pieds touchaient de nouveau le sol. Mais elle n'était plus chez Akando. Elle était dans une plaine. Au dessus d'eux, un ciel nocturne. Elle pouvait voir les étoiles. Et la Lune. Autour d'eux, personne. Seulement un lac. L'eau était noire en l'absence de lumière. Des silhouettes dans l'eau, ronde, immobile. Une forme au loin. Elle arrêta de regarder autour quand elle réalisa qu'elle ne sentait plus ses vêtements. En effet elle ne portait plus rien. N'importe qui pouvait voir son corps de métal, ses épaules mécaniques à nu. Un geste instinctif, qu'elle ne pouvait associer qu'à de la pudeur, lui fit lever une main à hauteur de son épaule et le bras devant sa poitrine. Geste inutile car insuffisant pour espérer cacher quoi que ce soit. Son autre bras rencontra une résistance au moment de bouger. Elle tenait toujours la main d'Akando. Si il avait été transporté – elle ne voyait pas de meilleure façon de décrire ce qui venait de se passer – alors peut-être avait-il perdu ses vêtements également. Elle tourna la tête dans sa direction. Non, il n'avait pas perdu ses vêtements. Il en avait changé, en revanche. Il portait désormais une cape et un masque qui couvrait entièrement son visage. Seuls ses yeux étaient visibles. Rouges, luisants. Comme celui de Sif. Dommage. Elle aimait bien le visage d'Akando. Elle reporta son attention sur l'environnement autour d'eux. Ils n'étaient pas à Iteku. Aucune trace des immeubles, aussi loin qu'elle pouvait voir. Et elle voyait loin. La Noerphilie. Un monde différent.

"C'est effectivement très différent du monde réel. Il n'y a aucun immeuble."

Un autre monde... Un monde dans lequel Callaghan changeait radicalement. Son costume sérieux était abandonné pour une cape rouge et un masque sinistre, ainsi qu'une armure quelque peu effrayante. Mais surtout, c'était ce qu'il y avait sous la cape qui changeait... Dans ce monde, il était méconnaissable. Il devenait un Naga, une créature aquatique humanoïde et reptilienne. C'est d'ailleurs ce corps qui lui donnait des yeux assez étranges et même terrifiants.

Sif aussi avait changé d'apparence : cette fois, elle ressemblait bien plus à un androïde, mais en Noerphilie, c'était bien plus passe-partout qu'à Iteku. Au moins ici, personne n'aurait à leur poser trop de questions. Car les questions, c'était bien la dernière chose qu'il aimait bien recevoir de la part de gens trop curieux qui sortiraient de leurs zones de confort pour venir l'interroger. Déjà qu'avec sa dégaine, il attirait bien trop de monde à son goût...

Il lui parla alors, en essayant d'être le plus rassurant possible ("essayant" étant un mot clé important)


Enfin, connaissant la nature de Callaghan, est-ce que c'était vraiment rassurant qu'il reste le même... ? Bien sûr, Sif était une exception, mais cette toxine qui corrompait son cerveau et son âme le rendaient toujours plus dangereux envers les autres. Et il devait se contrôler, au moins pour elle...

Elle ne tourna pas la tête vers Akando quand il se mit à parler, continuant plutôt à observer les alentours. Dans leur dos, à tout juste un mètre, trois vieux écrans cathodiques éteints étaient empilés, formant comme une colonne de plus de deux mètres. L’hypothèse qu’ils soient "sortis" de ces écrans comme ils étaient "entrés" dans un écran pour venir était probable, mais pas certaine. Elle ne réagit pas à ce qu’Akando disait, la moitié étant évidente et l’autre dépourvue de sens. Evidement qu’il était le même à l’intérieur,  il n’avait que changé de vêtements. Au moins lui était toujours "à l’intérieur".

"Ça ne me fait pas un choc. Avoir perdu mes vêtements est plus dérangeant."

Mettant de côté la partie concernant "Ma véritable personnalité" dont elle ne comprenait pas le sens, elle reporta son attention sur le monde autour. Il n’y avait personne, aucune silhouette humaine et très peu de mouvements. Malgré l’obscurité, elle avait une bonne vue et parvenait sans difficulté à discerner des formes mouvantes à bonne distance, mais elles n’étaient en rien humaines. Sif se tourna vers Akando.

"C’est beaucoup plus vide que le monde réel. Pourquoi ce monde intéresse-t-il autant de personnes ?"

Effectivement, cet endroit était plus vide qu'Iteku, c'était un fait. Toutefois, il n'était pas sûr de comprendre : elle était supposée être nue ? On aurait dit qu'elle était habillée... Sûrement son corps d'androïde qui avait du changer, et qui avait l'air désormais beaucoup plus habillé. Ce qui était d'ailleurs étrange, mais au moins, dans un monde comme Noerphilie, ça ne serait pas quelque chose qui attirerait outre-mesure l'attention.


Dans tous les cas, il se mit à marcher un peu avec elle, histoire de ne pas rester planté face au Mirror Lake. Apparemment, elle trouvait l'intérêt pour Noerphilie étrange, et il cherchait bien comment lui expliquer ce qui pouvait être attrayant dedans...


Et pourtant, pour lui, ce n'était rien de tout ça. C'était un monde potentiellement dangereux et hostile, dans lequel il comptait bien mettre un peu d'ordre... à sa façon. Mais pour cela, il devait d'abord se construire des relations, obtenir le soutien d'autres personnes, et commencer à devenir quelqu'un de plus important. Et pour ça, il devait frapper fort... Très fort. Son plan de récolte d'informations avançait à petits pas, mais il avançait. Et le jour où il le dévoilerait au monde, il ferait du bruit. Il ne voulait plus qu'Iteku soit un endroit sûr, mais que Noerphilie non plus ne soit pas une partie de plaisir pour autant.

Et quelles étaient les raisons de Callaghan pour souhaiter autant de mal à autant de monde ? La malveillance, peut-être, ou bien l'envie de secouer le quotidien des gens. Qui sait...

Pourtant, Akando secoua la tête négativement, fermant les yeux en croisant les bras, prenant un instant de réflexion. Changer de vêtements ? Non, c'était bien plus que ça. Sous cette cape se cachait un corps plus aisément apparenté à celui d'un monstre que d'un homme, le corps d'un Naga. Mais pouvait-il vraiment le lui dire ? Après tout... Il devrait bien le lui annoncer à un moment ou à un autre. Mais peut-être plus tard... Ça faisait déjà trop de choses en une seule fois. Il valait mieux ne pas lui offrir de vision aussi incohérente.

Il sentait quelque chose s'approcher d'eux, mais il n'était pas certain de quoi. Dans le doute, il resta alerte, mais il ne montra pas de signe d'inquiétude ou autre, restant calme et attentif à son environnement. Quelque chose clochait... Comme s'il sentait un danger approcher, ou quelque chose en tout cas qui n'était pas normal. Sif semblait observer quelque chose, mais quoi ?

Quoi qu'elle observe, il n'aimait pas ça, et il y avait dans l'air quelque chose qui l'inquiétait légèrement. Il faisait très attention, se préparant au cas où n'importe quoi leur arrive. Sif était sa protégée, et il ne comptait pas la laisser se débrouiller seule si quelque chose devait mal tourner.

Sif attendait des explications, mais elles ne vinrent pas. A la place, Akando restait immobile, raide. Peut-être qu'il ne pouvait pas expliquer. Peut-être que lui non plus ne comprenait pas, pas assez bien pour le lui expliquer. Ou qu'il ne pouvait pas expliquer plus clairement et qu'elle ignorait simplement trop de choses pour comprendre. Un autre monde. Ça rentrait en opposition avec tout ce qu'elle savait avant ça, et pourtant elle était là. Elle ne comprenait toujours rien. Derrière Akando, les formes étaient toujours plus proches. Elle pouvait discerner leurs formes maintenant. Elle ne connaissait rien de semblable. Elle ne savait pas ce que c'était. Inconnu. Extrapoler. Observer. Déduire. Des bras. Les formes étaient comme des bras. Chacune des silhouette se résumait à une masse grouillante de bras rampants et s'agitant en tous sens, chacun portant quelque chose dans sa main. Au moins un masque, tenu devant eux comme un visage. Et des armes. Beaucoup d'armes. Rouges de sang. Des armes s'agitant en tout sens comme pour lacérer, éventrer, égorger, trancher, transpercer…

Sans s'en rendre compte, elle fit un pas en arrière et ramena les bras devant sa poitrine. Les formes approchaient toujours, droit vers eux. Elle ne savait pas ce que ces formes étaient. Mais elle en avait peur. Elle ne voulait pas être attaquée. Elle ne voulait pas se battre. Elle ne voulait pas être abîmée. Elle ne voulait pas blesser quelqu'un. Elle ne savait pas quoi faire. Elle fit encore un pas en arrière. Un léger ronronnement commença à envahir le silence. Elle crut que cela venait des formes. Elle ne pouvait pas voir que le circuit dans son œil droit, normalement immobile, venait de commencer à tourner.

Après s'être retourné, Akando avait remarqué effectivement que quelque chose s'approchait d'eux. Au début de simples masses informes sans identités ni signes distinctifs, finalement il reconnut alors ce qu'il craignait avoir à affronter : des Shadows. Des tas et des tas de bras armés de lames ensanglantées qui auraient pu être une vision d'horreur pour bon nombre d'individus, mais lui, il en avait vu d'autres...

Après un temps d'analyse rapide, il eut le réflexe de se mettre entre Sif et les créatures, faisant un mouvement rapide faisant voltiger sa cape... Sous cette dernière, on pouvait apercevoir alors son corps de créature aquatique reptilienne : des écailles bleutées, reluisantes, partiellement couvertes par une armure. À la place des jambes, il avait une longue queue qui s'adaptait au terrain sous lui et glissait sur le sol pour lui permettre de se déplacer habilement et silencieusement. Alors il sortit une lance et interrompit un premier coup de l'un des Shadows, défendant Sif avec tout ce qu'il pouvait


Fort heureusement, ceux qui les avaient attaqué étaient plutôt faiblards... Pas spécialement des bêtes monstrueuses et si dangereuses, mais pour quelqu'un qui ne savait pas se battre, ils pouvaient être problématiques. Callaghan nota toutefois que leurs armes étaient une source constante de danger, obligé de parer à l'aide de sa lance de nombreux coups. Alors il retira son masque après un petit mouvement en arrière réalisé en glissant sur sa queue, retirant son masque et révélant alors son visage.

Il avait un faciès long et fin, mais également des crocs aiguisés et acérés dont il n'hésita pas à faire usage : attrapant l'un des bras après une esquive osée qui avait failli lui coûter une main, il le mordit violemment, le bras commençant à ralentir, à arrêter de bouger... Et tous les bras reliés commencèrent alors à faire de même, leurs coups devenant presque anodins et inoffensifs, avant de se stopper entièrement. Une fois immobiles, Akando envoya un énorme coup de lance dans la masse immonde, ce qui eut pour effet de la faire disparaître en un éclat.

Remettant son masque, il se tourna vers Sif pour vérifier qu'elle allait bien. Il remonta un pan de sa cape, cachant une blessure qu'il avait eu durant la bataille : un coup d'épée avait atteint sa queue et, bien que la blessure soit peu profonde, ça faisait assez mal... On pouvait voir, alors qu'il se déplaçait, qu'un peu de sang touchait le sol et qu'il émettait des mouvements étranges

Akando pensait que tout allait rentrer dans l'ordre une fois le danger mis hors d'état de nuire, mais apparemment, les ennuis ne faisaient que commencer... Sif n'était pas rassurée, au contraire, elle semblait paniquer énormément. Et il était très mauvais pour rassurer les gens. Elle avait du entrevoir sa forme réelle, celle d'un monstre : c'est ce qu'il était, au fond. Il avait connu la misère, il avait côtoyé les monstres, et il en était devenu un. Il était impuissant face à sa misère, alors tout ce qu'il put faire, c'est ranger sa lance, et prendre la jeune femme dans ses bras. S'il ne pouvait pas exprimer le réconfort avec des mots, il lui montrerait...

La tenant contre lui, il revoyait tous ces instants. Sa sœur, présumée disparue ? Une belle foutaise. Il savait très bien ce qui lui était arrivé... Elle avait été une autre victime de la malfaisance de sa ville d'origine. Un soir, dans son université, quelques étudiants voulaient la voir souffrir. Les blagues vont parfois trop loin, mais celle-ci était de loin la plus stupide qu'il n'ait jamais vu. Elle avait été souillée, humiliée, et les responsables avaient eu le mauvais goût de tout filmer. Plus tard, elle était morte dans des circonstances qu'il connaissait très bien.

C'était alors la première fois qu'il n'eut aucun état d'âme à tuer... L'odeur du sang restait encore imprégnée dans sa tête, et ce qui lui faisait le plus peur était certainement le plaisir intense qu'il avait ressenti en exécutant ses proies. L'extase alors que la vie quitte lentement leurs corps, ce regard vide et trouble qui semble chercher un quelconque symbole d'espoir pour disparaître dans le néant, le doux soupir précédant la mort d'un être... Ce sentiment, il ne l'avait plus vécu depuis longtemps, car il savait parfaitement qu'il l'adorerait beaucoup trop. Bien des fois il fut tenté à nouveau... Mais il ne devait pas succomber.

Pour Sif, il devait rester droit. Pour elle, il devait réparer ce qu'il était et agir différemment. Il devait lui montrer qu'une famille sait faire des efforts pour être meilleur, et qu'il était capable d'être quelqu'un de bien malgré ses pulsions meurtrières et vicieuses. Il était dans le fond quelqu'un d'obscur, sadique et cruel, et cette dualité le faisait souffrir. D'un côté, il ne voulait pas imposer ce qu'il était au reste du monde, mais de l'autre, la tentation d'être un monstre devenait si forte...

Akando aimait Sif comme sa sœur... Mais était-il vraiment quelqu'un de convenable pour la protéger ? N'était-il pas plus dangereux que n'importe qui d'autre ?

Elle voulut reculer, encore, s'éloigner, fuir, mais Akando fut plus rapide et il l'immobilisa avant qu'elle ne bouge. Pourtant elle se laissa faire, elle ne tenta pas de se débattre. Peur. Elle avait peur. D'Akando, de ce qu'il pouvait faire, des créatures informes et de ce qu'elles pouvaient faire. Mais elle ne se sentait pas menacée. Pas maintenant. Akando l'enserrait, mais sans force. Étreinte. Signe d'affection. Utilisé pour saluer, pour rassurer, pour calmer, pour exprimer son affection. Connotation positive. C'était agréable. Peu à peu, la peur diminuait. Toujours là, mais moins présente. Et moins la peur ses capacités de réflexion, plus elle reprenait le contrôle. Elle commença par détendre ses membres, retrouvant une pose plus naturelle. Elle laissa même sa tête tomber contre l'épaule d'Akando.

"I don't like this world. I want to go back. Please."

Le menton enfoui dans la cape d'Akando, elle pouvait voir les écrans derrière lui. Le retour fonctionnait peut-être comme l'allée. Hypothèse possible, aucune preuve ne permettait de la valider mais aucune ne l'infirmait. Akando devait savoir. Cette hypothèse là était très probable, même si pas certaine. Il était déjà venu dans ce monde fou, et déjà reparti. Pas une preuve certaine, mais de peu.

Puis elle se raidit, encore. Les créatures revenaient. Plus nombreuses. Très nombreuses. Elles surgissaient du sol sans s'être approchées auparavant. Contrairement aux précédentes, leurs armes étaient propres, mais elles n'en étaient pas moins luisantes et tranchantes. Et elles étaient proches, presque sur eux, les encerclant et coupant toute retraite, vers l'arrière ou vers les écrans. Si proche qu'elles n'auraient qu'à bondir pour s'abattre sur eux. Pourtant le temps semblait comme arrêté. Elle contemplait avec horreur les silhouettes absurdes qui rampaient dans leur direction. Elle en vit une bondir. Elle ferma son œil, refusant de voir ce qui allait arriver. Et elle ne vit pas le ciel se déchirer, elle ne vit pas un immense chevalier en armure en descendre et faucher la Shadow d'un coup de sa lame démesurée. Et elle n'entendit rien car tout cela se déroula sans un bruit.

D'autres Shadows... Ils étaient plusieurs. Akando dut relâcher Sif, mais une attaque surprise lui arriva dessus. Dans ce genre de situation, on sent comme le temps se ralentir, la scène se dérouler sous ses yeux. Le danger était partout... Des armes, tout autour, et ils étaient pris au piège. Il sortit bien sa lance, essayant de les défendre, mais il ne pourrait que gagner du temps... Étaient-ils destinés à mourir ici comme des chiens, dans un coin reculé de Noerphilie ? Non. Il refuserait ça.

Mais comment pouvait-il les sauver ? Il était habitué à se sauver lui, mais pas les autres. Lorsqu'il devait s'interposer entre un être et le danger, il était faible. Et ça devait changer. Il ne pouvait plus regarder sa sœur mourir encore... Pas encore... Alors il s'interposa. Il se jeta sur Sif pour la pousser, bloquant in extremis un coup d'épée qui lui aurait entaillé le bras s'il ne portait pas une armure. Il s'en était fallu de très, très peu, et il n'était pas très stable.

Si personne n'intervenait, ils auraient de gros ennuis. De très, très gros ennuis... Il aurait fallu un miracle, ou que le pouvoir de Sif se réveille pour qu'ils puissent être sur un terrain égal.

Une seconde. Deux. Comme une éternité d'obscurité, de silence, d'angoisse. Elle sentit quelque chose la pousser, elle sentit le choc de l'herbe molle contre ses jambes. Rien d'autre. Pas de lame, pas de dégâts, que le bruit du vent. Alors elle ouvrit l’œil. Ce qu'elle vit était plus terrifiant encore que les ombres. Une armure lourde de métal se tenait droite, immense, massive, comme une montagne étendant son ombre sur elle. Un de ses bras tenait une lame presque aussi longue et large que Sif pouvait l'être, une arme démesurée plantée dans les restes d'un Shadow achevant de se dissiper. Le chevalier se tourna légèrement vers elle, sans un bruit, et posa le regard d'un unique œil rouge luisant à travers son heaume. Alors elle sut et ne put réprimer des frissons. Son pouvoir. Une incarnation de ce qu'elle était en réalité. Son Persona. Vidar.

"No… I'm not like that…"

Elle se recroquevilla, incapable de détacher son regard du monstre né de son âme. Celui-ci se détourna d'elle et souleva sa lame à une main, la levant au-dessus de sa tête avant de se mettre en garde. D'autres Shadow attaquaient, en nombre cette fois. D'un geste ample le Persona les faucha tous, sa lame traversant leurs corps sans rencontrer la moindre résistance. A peine avait-il freiné son arme qu'il repartait à l'attaque, fondant cette fois sur les Shadow restés en retrait. Aucune hésitation n'entravait les gestes de Vidar, aucune peur, aucune colère, ni même de la détermination. Ses coups étaient froids, méthodiques, un monstre sans âme fauchant d'autres monstres sans âmes.

Un Persona qui détruisait littéralement des Shadows par paquets... C'était décidément une surprise étonnante que Sif lui livrait la. Et pourtant, elle ne semblait avoir aucune volonté et aucune influence sur la situation : c'était seulement une sorte de mécanisme d'auto-défense involontaire. Elle semblait si faible et fragile, et cette énorme armure si puissante et brutale... Il devait bien y avoir un lien entre les deux, au fond. Peut-être que Sif était réellement comme ça ? Peut-être était-ce la vraie nature de son âme ? Il ne pouvait pas en être sûr. Qui sait ce qu'elle pouvait avoir en tête...

Le fait était qu'elle restait parfaitement paniquée, et Akando ne savait réellement pas comment gérer cette situation. Elle niait qui elle était réellement, elle se mettait à parler anglais, et elle ne voulait pas accepter la réalité. Ça serait dur de lui annoncer, mais il n'aurait pas le choix : la solution pour être libéré dans la vie, c'était d'accepter, pas de tout refuser en bloc. Alors une fois le combat entre son Persona et les shadows terminé, il se tourna vers elle, essayant de se faire le plus compréhensif possible.


Il n'était pas ferme ou brutal, au contraire, il essayait de lui expliquer doucement et de manière rassurante, plutôt comme une note d'espoir qu'une obligation. Mais pourtant, il savait ce qu'il disait et il était déjà passé par la : si son Persona représentait une âme tourmentée et vengeresse, alors c'est qu'au fond, ça devait être ce que son subconscient représentait. Dans son cas, lui, c'était le monstre qu'il était qui ressortait. Une créature sournoise et maligne... Et pourtant, il était obligé de l'accepter.

La voix d’Akando la ramena lentement à la réalité, son image supplantant celle de Vidar devant son regard et ses mots remplaçant les souvenirs dans ses pensées. ce que tu es - - l'accepter - - ces pensées vont te hanter - - les affronter Elle hocha lentement la tête. Ce qu’elle était. Ce qu’elle était en réalité. Sigrun, une machine froide conçue pour tuer. Mais elle n’était pas elle. Elle était Sif. Elle voulait l’être. Elle voulait être quelqu’un de normal menant une vie normale. Et elle ne voulait blesser personne, encore moins sans se contrôler. Comme elle retrouvait peu à peu son calme, le danger écarté – pour de bon ? Temporairement ? – le Persona disparut comme il était apparu, et son œil droit cessa rapidement de tourner, revenant au silence. Elle ne voulait pas l’accepter, car ça signifierait accepter tout ce qu’il représentait, et elle ne pouvait pas s’y résoudre. Elle se laissa tomber en avant contre Akando. Elle ne voulait plus y penser. Elle ne voulait pas penser. Juste oublier, continuer, passer à autre chose. Sa batterie. Elle était toujours faible. Elle devait se recharger. Oui. Il fallait qu’ils repartent.

"Je veux rentrer. Me recharger. Et être seule. Un peu."

Elle s’appuya sur Akando pour se relever. Cette fois, aucun Shadow pour l’empêcher de rejoindre les écrans. D’un pas mal assuré elle s’en approcha puis vint s’immobiliser devant eux et tourna la tête pour voir si Akando était derrière elle.

Sif était visiblement bouleversée. Elle avait du mal à jauger la situation, c'était trop brutal pour elle. Elle était comme choquée, probablement par quelque chose de son passé, et Akando était trop impuissant. S'il continuait sur sa lancée, il la sermonnerait, et ça ne ferait qu'empirer les choses et il le savait. Au moins, pour le moment, le danger était écarté et si d'autres ombres revenaient, il se servirait de son Kriegsmesser pour directement ouvrir le combat. La question de sa batterie arriva : elle devait se recharger. Par déduction logique, elle se mit visiblement devant les écrans, et Akando la suivit en acquiesçant, essayant juste de ne pas la brusquer plus que de raison.


Il faisait beaucoup pour elle, oui... Mais il n'avait plus depuis longtemps ressenti cette chaleur familiale qui l'envahissait quand il était avec elle. Alors il lui ferait faire des papiers, légaux ou non, qui lui permettraient de vivre comme une citoyenne japonaise tout à fait standard. Alors il passa la télévision, rentrant chez eux, et lui laissa quelques instructions sur comment son domicile fonctionnait avant de partir pour ses devoirs nocturnes.

La nuit serait longue... Il avait beaucoup à faire. Mais ça, c'est une autre histoire...