Que dire de ma vie en réalité ? Je n'ai pas grand-chose à raconter, mais je vais tenter.
Je suis né il y a 36 ans de cela au Danemark, à Copenhague.
J'ai eu une vie plutôt banale, voire ennuyeuse. Fils unique. Avec des parents adorables, mais plutôt vides d’originalité. Ma vie pourrait se caractériser en un stéréotype de la petite vie de famille moyenne. Nous avions même un chien à bien m'en rappeler, cela ne fait que renforcer l'ironie de la chose. Vraiment, je ne saurais pas quoi dire de mon enfance à tel point qu'elle était vide d'étincelles. J'ai évidemment eu pleins de bons moments, mais comment démarquer mon passé à celui de tellement d'autres ? Je ne peux tout simplement pas, c'est l'enfance de monsieur et madame tout le monde.
Le seul élément intéressant que je pourrais limite parler serait de la chance qui m'a habité durant une grande partie de ma vie. Le destin semblait être souvent de mon côté. Faisant que le hasard m'était toujours favorable. Faisant que j'ai connu peu d'inconvénients qui ne tenaient qu'à des circonstances... Vraiment, je ne sais pas quoi dire d'autre à propos de mon enfance, de mon début de vie.
Après l'école obligatoire, où je n'étais ni un cancre, ni un élève brillant (pour enfoncer ma vie d'enfant banal), j'ai commencé à suivre des cours d'art. Je n'avais pas forcément le coup de pinceau ou de crayon pour, mais j'avais une grande créativité pour compenser. Au début, je ne pensais pas à en faire ma vocation. J'avais laissé le hasard choisir pour moi. C'était... L'une des rares choses exceptionnelles qui ont pu m'arriver à cet âge-là.
Pour vous compter l'histoire... J'avais avec moi de nombreux formulaires pour différentes institutions. Je n'avais absolument aucune idée de quoi prendre. Je ne savais pas quoi faire de mon avenir. C'était un jour pluvieux et j'étais sur le chemin pour rentrer chez moi. Je ne sais pas pourquoi, mais une folle idée m'est venue. Laisser ma chance, le destin, choisir à ma place ! J'ai donc saisi la petite pile de formulaire et les envoyer valser sous la pluie. Tous ont pris l'eau, où du moins, tous sauf un. Un formulaire dans une école d'art, seule survivante du massacre aqueux, s'étant logée sous un banc non loin. Un coin protégé de la pluie.
Le destin avait bel et bien tranché pour moi.
Voilà comment je suis arrivé dans ce domaine qui deviendra finalement miens, qui est devenu ma profession. Cet instant était devenu le premier qui a brisé la banalité de ma vie. Ma vie commençait à se démarquer par rapport à pleins d'autres. J'ai continué dans le domaine de l'art avant de manier cela à la pédagogie. Je devais avoir passé la vingtaine quand j'ai commencé ma formation pour devenir professeur d'art. Je ne voulais pas prendre le risque d'être dans l'art de manière indépendante, trop risquée pour l'être frêle que j'étais (et que je suis encore d'ailleurs). Enseigner ce domaine me semblait ce qu'il y avait de plus sûr.
Je ne regrette absolument pas d'avoir pris ce chemin de vie professionnelle. Car c'est dans cette formation que je l'ai rencontré. Nadeshiko. Ma douce et tendre. Elle était aussi une professeur à en devenir à l'époque, elle voulait enseigner l'histoire. C'était une japonaise qui est venue au Danemark uniquement pour quelques années afin de compléter sa formation. Je ne sais toujours pas ce qui a fait qu'elle s'est retrouvée ici, avec moi, avec les milliers de possibilités qu'elle avait d'aller dans le globe. Mais... Je suis reconnaissant au destin de m'avoir fait rencontrer cette merveilleuse personne. Je l'aimais déjà tellement...
Nous étions d'abord de simple collègues de formation. Puis, elle a fait le premier pas pour approfondir notre relation et passer au stade d'amoureux. Je me souviens de chacune des sorties qu'on a faites à deux. Je me rappelle de chaque baisers, de chaque caresses, de chaque instant où j'avais ses bras qui m'enlaçaient avec fermeté et de chaque instant où j'en faisais de même avec timidité. Néanmoins, je suis content (et limite fier) d'avoir que je suis celui qui a proposé d'aller plus loin. Durant un Noël, je lui ai demandé sa main. Durant un Noël, je l'ai demandé pour épouse. Nous étions déjà ensemble durant 3 ans, donc je pouvais bien me le permettre et mettre mon courage à 2 mains.
Elle a dit oui. J'étais l'homme le plus heureux du monde.
Je me souviens de l'avoir enlacé de toutes mes forces, nous faisant tomber ensemble sur le pavé enneigé de la place. La surprise passée, nous avions ri comme des fous. Sous les regards interrogateurs des passants. Sous les lumières de la ville et des décorations de Noël. Sous la neige qui tombait finement en ce jour de célébration. C'était... L'un des plus beaux jours de ma vie, juste après mon mariage avec elle et la naissance de Valentina. Nous n'étions pas du genre très festif, donc nous avions fait une petite et simple cérémonie en fin Février pour les proches, mais aussi tout simplement pour pouvoir montrer notre amour à ces derniers, mais aussi au rare et chanceux monde qui nous verrait, assisterait d'un regard à cet événement. Peu de temps après le mariage, je l'ai suivi au Japon pour y faire ma vie avec elle. Dans ce lieu nommé Iteku.
Nadeshiko est devenue ma femme, elle est devenue mienne. Moi, Brynhildr, suis devenu son mari, je suis devenu sien. C'était un événement si simple comparé à ce que faisait les autres, mais pourtant tout aussi heureux. Si ce n'est plus. Je me souviens encore de son sourire, je me souviens du mien. Je me souviens de mes larmes de joie et je me souviens des siennes. Nous ne formions plus qu'un dans l'âme. Je ne pensais pas que je pouvais être plus heureux que ça, ce jour-là. Et pourtant... Juste... Comment décrire ma joie le jour où j'ai appris que j'allais devenir père ? Que j'allais former une famille avec Nadeshiko ? Que nous allions avoir un enfant,
notre enfant ? Il n'y a pas de mot, vraiment.
Et encore moins pour le jour où elle est née. Notre fille, Valentina. Elle avait les yeux de sa mère et mes cheveux. Elle était parfaite, la plus belle qui soit (j'aurais même du mal à dire qui serait la plus belle entre elle ou sa mère). C'était... Notre petit trésor. J'étais à l'apogée du bonheur, mais aussi de ma belle étoile. Puisque c'est à ce moment-là que la roue de la fortune à tourner pour moi... Contre moi.
Je savais que ma douce épouse n'était d'une santé des plus solides, mais... Cela ne m'était jamais venue à l'esprit de la perdre ainsi. Le lendemain de son accouchement, elle s'est éteinte en douceur, épuisée et trop faible pour pouvoir rester parmi nous, à nos côtés. Je me souviens... avoir pleuré. Pleurer et crier mon désespoir de ma perte. On me voyait comme un fou, alors que je venais de perdre l'amour de ma vie et la mère de mon enfant. Je n'avais que 26 ans le jour où je suis devenu à la fois père et à la fois veuf... Je t'aimais tant, ma Chérie.
Et je t'aime toujours autant...
J'ai élevé quasiment seul le fruit de notre amour, bien que parfois aidé par les parents de ma défunte femme. Je leur en suis reconnaissant, bien que nos relations sont devenues bien rares et maladroite depuis la mort de leur unique enfant. Nadeshiko... Tu nous manques tellement. À tes parents. À tes premiers et derniers élèves en tant que professeure. À notre fille qui ne connaîtra jamais la douceur et la chaleur d'une mère. Et... à moi surtout. L'appartement est si vide sans toi. Le lit semble bien trop grand sans toi. Il y a tant de fois où je voulais abandonner, à faire d'être rongé de ton absence.
Mais heureusement, il y avait Valentina pour garder la foi. Ah... Ma chère Nadeshiko, je souhaiterais tellement que tu sois là, avec moi. Je souhaiterais tellement que tu sois à mes côtés pour la voir grandir, pour participer à sa vie... J'espère que tu nous vois de là-haut.
Toi qui viens de nous quitter,
Que le Seigneur te bénisse.
Je pensais m'être reconstruit auprès de ma fille. La mort de mon épouse m'avait brisé. La chance me tournant le dos m'avait anéanti. J'avais perdu mes repaires et devais en construire de nouveau. Et c'est ce que j'ai fait. En me consacrant corps et âme à Valentina et à mon travail de professeur d'art à Gekkoukan High-School. C'était dur de faire ça tout seul, très dur. Mais j'avais le plaisir de voir mon rayon de soleil grandir et s'épanouir. Elle semblait contente et peu dérangée par l'absence d'une mère, un vrai soulagement pour mon âme déjà bien en peine. Elle ne semble pas me tenir rigueur de mes maladresses de seul parent, ou encore de mes larmes de veuf. Je suis désolé d'être aussi faible et misérable en face de toi, Valentina... Mais Papa va tenter de toujours faire mieux et d'être toujours plus fort pour toi. Je te le promet.
Tout semble aller pour le mieux dit ainsi, mais... Je ne pouvais rien faire contre ça. J'étais si faible, si inutile. Ce mal m'avait pris ma femme et ce dernier tourmente de manière répétée ma fille. Pourquoi ? C'est ce que je me demandais souvent, au chevet de ma fille, durant toutes les fois où elle était clouée au lit. Oui, elle semble avoir la santé aussi fragile que sa mère, si ce n'est plus. Je n'arrive plus à compter le nombre de fois où je l'ai vu ainsi, malade, cloîtré dans son lit. Tout ce que je peux dire, c'est que cela est beaucoup trop.
Puis, il y a eu la fois de trop.
Nous sommes en fin août, j'avais vers les 34-35 ans lorsque j'ai perdu ma fille comme j'ai perdu ma femme. Valentina n'avait même pas 10 ans lorsqu'elle a rejoint sa mère de l'autre côté. Elle a succombé à un énième coup de froid qui lui a été fatal. Je n'ai jamais été aussi inutile de ma vie. Je... Je suis désolé, Nadeshiko. Je n'ai pas su m'occuper de notre fille. Et... Et Valentina, je suis désolé d'avoir été un aussi mauvais père.
S'il vous plaît, pardonnez moi...
Cela fait déjà un an depuis la mort de ma fille. Je tente de garder la tête haute et le sourire aux lèvres. Je ne sais pas pourquoi je suis ainsi, pourquoi je ne mets pas tout simplement fin à ma vie. Sûrement parce que je ne suis qu'un lâche. Un lâche qui attend que le destin finisse lui-même le travail. Mais pour l'instant, je me contente d'être rongé par la solitude et la froideur qu'est devenu mon chez moi. Je me demande si mes yeux ont encore la force de pleurer et si ma voix a encore de quoi crier. Je ne sais pas. Je ne sais plus.
J'aurais pu rester dans cet état misérable encore longtemps. Mais un événement inattendu s'est produit. La grande annonce. Un autre monde. Noerphilie. J'étais plutôt sceptique au début, je n'y croyais pas un mot. Mais de plus en plus, j'entendais mes élèves s'exclamer de la véracité de ce monde. De plus en plus, je commençais à être curieux, presque tenté, par cela. Ce qui fait, qu'un soir, je me suis retrouvé à regarder longuement l'écran de la télévision. J'hésitais à me lancer, alors que je ne craignais rien. Soit je me loupais -et dans ce cas je n'étais que l'unique témoin de cette scène gênante-, soit je réussissais.
Les yeux fermés, je me suis finalement lancé, brusquement, vidant mon esprit de toutes pensées sur le moment. Quand je les ai rouverts, je ne savais plus quoi penser, au sujet de mes réalités principalement. Un autre monde, il y avait bien un autre monde. J'ai senti un certain poids dans mes bras, avant de remarquer que je portais quelqu'un. Une enfant. En l'observant de plus prêt, je n'ai pu être que sous le choc. Vraiment.
Qui est cette enfant qui ressemble à ma défunte fille ?