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Un livre o/ EmptyMer 17 Fév - 11:01

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Chapitre 1

- Réveillez-vous ! Réveillez-vous Paul !

Les paupières du garçon ainsi nommé s’ouvrirent péniblement, laissant d’abord apparaître un épais voile fort désagréable devant ses yeux. Quelques instants passèrent avant que le jeune homme de dix-sept ans ne comprenne vraiment ce qui lui arrivait. Levant doucement le regard vers le visage ulcéré de Mme Salma, la professeure de maths, il ne supporta pas bien longtemps les éclairs vivaces que lançaient les globes oculaires qui lui faisaient face. Quelques gloussements « discrets » se firent entendre au fond de la classe, mais le reste des élèves demeura dans un silence presque religieux alors qu’un soupir long et puissant s’échappait des narines de l’enseignante. A seulement trente-quatre ans, une carrière constellée de hurlements avait rendu les cheveux de Mme Salma presque totalement blancs. Elle les gardait en une queue-de-cheval serrée, laissant à ceux qui la côtoyaient l’immense joie d’admirer son visage austère. En effet, de mémoire d’homme, pas un seul sourire n’avait éclaircit cette face depuis des années. Nul ne pouvait également supporter ces véritables revolvers au milieu de son visage. Elle avait le don de vous fixer si intensément que vous vous sentiez immédiatement dépouillé de toute défense et de toute capacité de réplique. En somme, elle serait bien plus à sa place à la tête d’un régiment de Marines que d’une classe de lycéens.

D’un geste mesuré, comme s’il manipulait un puissant explosif, Paul rabaissa ses yeux lourds de fatigue sur ses feuilles. Contrairement au voisin, elles étaient demeurées plus blanches que la robe d’un prêtre, pour son malheur. Car c’était loin d’être la première fois qu’il était surpris à dormir. Il était presque admiré par ses camarades, qui considéraient que parvenir à s’assoupir avec la voix tonitruante de cette prof dans les oreilles, et ce à plusieurs reprises, relevait du surnaturel.  Personne  ne cherchait à comprendre les raisons d’un tel comportement, pas plus Mme Salma que les autres professeurs. En dernière année de lycée, il n’était plus question de pouponner les élèves. L’université les attendait, et il fallait les habituer à ne plus recevoir des professeurs que des ordres et rien d’autre. Même si c’était un tableau fort effrayant qui était peint de la fac, il avait le mérite de pousser les jeunes au travail, et c’était là le but. Mais que faire face à des gens comme Paul ? Eux qui passent leur temps à rattraper des nuits entières passées à jouer sur internet ? Et bien… pas grand-chose. On pouvait toujours convoquer les parents, mais les rares entrevues que proposa le lycée se soldèrent par des refus systématiques, du fait de la profession des parents du jeune homme : représentants pour une célèbre marque de soda. Leur destin était donc de parcourir le monde en laissant leur fils unique aux bons soins d’une gouvernante. Face à cette amère constatation, l’établissement avait donc décidé de laisser Paul dormir à sa guise, ou presque, et qu’il n’était plus de son ressort de le reprendre en main. Donc, malgré quelques intermittences bruyantes de Mme Salma, le lycéen parvenait à rattraper ses courtes nuits de sommeil durant les cours.

La cloche sonna peu de temps après son brusque réveil, tant mieux pour lui d’ailleurs, car l’enseignante n’aurai pas supportée une sieste de plus sous les yeux et c’est ce que le jeune homme s’apprêtait à accomplir. Une fois derrière la porte, Paul put ressentir tout le soulagement que pouvait procurer l’éloignement de Mme Salma. C’était comme si on lui enlevait un poids inimaginable des épaules, et il se sentit bien plus en forme à présent. Bien que l’abondante lumière qui parvenait à ses yeux l’incommodait, il considéra avec un sourire que le pire moment de la journée était derrière lui. Paul n’était pas un garçon très lumineux. Si l’on exceptait le vert clair de ses yeux, il ne portait aucune autre couleur que du noir et des variantes grises. Ses cheveux bruns, un peu bouclés, encadraient un visage à la peau pâle. Il n’était ni grand, ni petit, et si on lui enlevait cet air fatigué et débraillé qu’il trainait en permanence, il pouvait être joli garçon. Paul était donc des plus ordinaires en somme, un membre de cette jeunesse « geek » qui se répandait de plus en plus dans les établissements scolaires. Mais quelque chose ne tournait pas rond. Car Paul n’avait pas de compte Facebook, ni Skype, il ne jouait ni à World of Warcraft, ni à aucun autre jeu en ligne. Il n’était pas friand de mangas, ne regardait aucune série… Alors que faisait-il toutes ces nuits ? Le fait est que, dès la sortie des cours, Paul Boris était comme tout le monde. Son seul projet : rentrer chez lui.

La maison que Paul habitait n’était absolument pas l’immense appartement au centre de Los Angeles où lui et ses parents « vivent » depuis trois ans. Non. Là où le jeune homme jouait, mangeait et dormait était un endroit bien moins charmant. Un peu à l’écart de la ville, dans les quartiers portuaires où travaillent des milliers d’humbles ouvriers, se trouvait un gigantesque entrepôt, vestige d’une ancienne entreprise de conserves de poissons très populaire quelques dizaines d’années plus tôt. Malheureusement pour elle, Los Angeles devint la capitale mondiale du cinéma à la même époque, et il n’était plus dans l’intérêt de la ville de conserver ce genre d’industries qui devenaient une nuisance, autant pour les yeux que pour les narines. On pria donc le patron d’aller s’installer ailleurs, mais la bâtisse, elle, resta à l’abandon. Sorte de vestige d’une époque lointaine qu’il plaisait encore au touriste d’admirer d’un œil lointain, se disant « Ah, que ce devait être pittoresque à l’époque ! ». Non content d’avoir, sans le savoir, causé la ruine de cette entreprise, ils faisaient maintenant mine de la regretter sans jamais y avoir mis les pieds.

C’est devant le grand portail en fer forgé, cadenassé depuis longtemps, que se trouvait désormais le lycéen. Son sac sur l’épaule, il faisait un peu tache dans ce quartier pratiquement abandonné de la ville. D’un œil distrait, il regarda sa montre au poignet. 17h54. Juste un peu en avance, mais rien de bien grave. Paul n’attendit pas bien plus longtemps avant de se lancer. Agrippant fermement le portail rongé de rouille, il s’élança vers le ciel et arriva au sommet de l’entrée en quelques habiles mouvements. Il ne lui restait plus qu’à lancer son sac de l’autre côté et à se suspendre quelques instants avant de le rejoindre lui aussi. C’était un rituel quotidien qu’il avait appris à apprécier. Franchir ce portail, c’était comme passer d’un monde à un autre. Le soleil n’était pourtant pas près de se coucher en ce début de mois de septembre, mais déjà l’atmosphère se faisait plus sombre et intime. Comme un immense voile, l’ombre du grand bâtiment recouvrit Paul qui se sentait alors bien plus à l’aise. Ses yeux ne le piquaient plus alors, comme lors du cours de maths. Dans l’obscurité, il y voyait paradoxalement mieux. Une vague de fraîcheur l’envahit, calmant ses épaules endolories par la fatigue. Oui, franchir ce portail, c’était comme renaître.

Malgré la fermeture de l’entreprise, la porte de l’usine était toujours solidement fermée. Né durant l’air de l’acier, il n’était pas étonnant donc qu’elle fût aussi austère et solide que le reste du bâtiment. Une épaisse plaque de métal solidement boulonnée à un mur de brique, Paul se demanda même parfois si elle ne résistait pas aux bombes. Pour l’ouvrir, il n’y avait que deux moyens : se munir d’un bélier, ou se munir des clés. Comme à son habitude, le jeune homme privilégia la raison et sortit le large trousseau de sa poche en soupirant. L’heure était à la chasse au trésor. Quelle plaie. Il trifouilla l’objet imposant pendant deux bonnes minutes pour enfin trouver la bonne clé. Certains auraient volontiers favorisés l’autre option, mais ils se seraient alors heurtés au courroux des nouveaux propriétaires de la fabrique désaffectée, et c’était quelque chose à éviter. L’écho d’un long grincement se fit entendre dans les hauteurs du bâtiment alors que Paul ouvrait péniblement la porte métallique. Néanmoins, personne ne répondit à cet appel inopiné, et le silence retomba rapidement autour du jeune homme. Qui ne le connaissait pas jurerait que c’était là son souhait, ne vivre que dans un absolu silence, seul… Alors qu’en réalité Paul le fuyait comme la peste. S’il baignait dans le silence ce n’était pas par choix, et il maudissait quiconque affirmait le contraire et l’y laissait sans chercher plus loin. La vérité c’est que, comme la plupart des gens dans la même situation, Paul était solitaire par contumace. On l’avait plongé dans cet isolement depuis longtemps, et aujourd’hui personne n’essayait de l’en sortir. L’homme ne vient en aide à personne, sauf si on l’appelle, mais c’est quelque chose que la majorité des gens ne s’autorisent pas à faire. Voilà donc pourquoi, tout en étant le corps entier imprégné d’une paix sans bruit, le lycéen de dix-sept ans ne souhaitait en fait que de briser cette quiétude qui le suivait depuis son enfance comme une ombre.

Soupirant longuement, Paul se dirigea calmement vers le fond de la pièce dans laquelle il venait d’entrer, ne prenant même pas la peine de refermer la porte, qui lui aurait reproché ? Par cette négligence, il indiquait aux autres membres du groupe que quelqu’un était déjà là et qu’ils n’avaient plus qu’à le rejoindre. Sous un immense tas de palettes démembrées, derrière une bâche en plastique, Paul mit à jour une trappe du même acabit que la porte, et tout aussi solidement close. Quelle plaie. Comme précédemment, Paul pris le temps de franchir ce nouvel obstacle avec tout le calme qui lui était coutumier. Une fois ceci fait, l’obscurité. Un océan de ténèbres où il fallait pourtant s’engouffrer, à ses risques et périls. Mais Paul était habitué à ce risque, c’était un rituel, quotidien et mécanique. Il ne ferma même pas les yeux alors qu’il sauta dans le vide. La chute fut courte, silencieuse et l’atterrissage sur un épais tas de matelas ne faisait qu’annihiler de plus en plus l’angoisse naturelle qui précédait chaque saut. La pièce où Paul venait de tomber était, déjà, un peu plus éclairée que ne le laissait présager l’entrée. Les lumières du monte-charge fonctionnaient encore et permettaient au jeune homme de ne pas se trouver complètement dans le noir. A l’origine, cet endroit était le vide-ordure de l’usine. Là où partaient les parties non-consommables des poissons. Aujourd’hui, le temps avait même réussi à effacer l’odeur des tripes de merlus, et il ne restait plus rien d’autre qu’une immense quantité de poussière, qui ne manquait pas de s’envoler partout au moindre mouvement de Paul. Elle lui envahissait les narines, plongeait droit dans sa gorge. Quelle plaie. Tout en toussant bruyamment, le lycéen s’avança en hâte vers une porte toute proche de la « piste d’atterrissage », il la poussa avec force pour enfin arriver dans la seule pièce digne d’intérêt.

Eclairée par de vieilles ampoules, cette pièce était comme les autres : sombre, poussiéreuse, on marchait sur un carrelage sale et froid et les murs n’étaient que du béton laissé à nue. Du béton très épais. L’endroit devait être le plus sécurisé de l’usine assez spéciale dans l’usine. Bâtie seulement quelques années avant la faillite de l’entreprise, il avait pour but de protéger les employés en cas d’attaque subite des soviétiques. C’était un abri antiatomique. Fait pour péricliter, il contenait bien des équipements très utiles pour ceux qui voudraient en faire un bastion à l’abri des regards : une réserve d’eau et de nourriture, de multiples chambres et surtout une sortie assurée par le biais d’une échelle qui menait à la surface. Ici, Paul se sentait véritablement chez lui, malgré la toux qui lui démangeait encore la gorge. Il n’hésita pas bien longtemps avant de plonger droit sur le canapé verdâtre et de saisir l’un des magazines disposés sur le petit guéridon. Sachant très bien qu’il n’allait pas patienter bien longtemps, il commença directement par la page du courrier des lecteurs. Rapide à lire, intéressante, elle avait surtout le mérite de faire sourire. Paul était un jeune homme impatient, râlant souvent, et il ne manquerait sûrement pas de le rappeler aux prochaines personnes qui entreraient dans la pièce.

Effectivement, lorsque seulement cinq minutes plus tard une petite silhouette féminine passa la porte, la première chose qu’elle entendit fut :

- Ah bah ! C’est pas trop tôt ! On avait dit 18h, et il est 18h04 ! Grogna-t-il, faussement en colère.

La jeune femme poussa un long soupir. Retirant le béret qu’elle avait sur la tête, elle passa à côté de Paul sans même le regarder et se dépêcha de s’affaler sur un fauteuil au fond de la pièce. Les deux amis n’étaient espacés que de quelques mètres, et pourtant Paul continua de parler comme si son interlocutrice était au bout du couloir.

- Tiens, je m’attendais à une réaction plus… bruyante. Glissa-t-il d’un ton moqueur.

L’intéressée ne répondit pas. Elle s’étira les bras et repris sa position atonique sur le fauteuil. Elle avait les yeux tout aussi cernés que Paul, mais arborait alors un visage plus lumineux. Le fait est que sa chevelure châtain et son maquillage discret la rendait bien moins austère au regard des gens. Vêtue d’un trench noir, elle était élégante et féminine. Malgré sa petite taille qui la rajeunissait grandement, elle dégageait une grande maturité.

- Tu ne veux pas me parler, c’est ça ? Demanda Paul toujours souriant.

Le garçon avait cessé de lire. Son magazine toujours dans les mains, il dévisageait à présent la jeune femme avec un sourire malicieux. Il aimait la taquiner, c’était un fait, mais aujourd’hui il semblait que Katelyn Bruce, fille d’un célèbre stylise californien, n’était pas d’humeur bavarde. Après quelques instants, le sourire de Paul muta en une expression plus à propos. Fronçant les sourcils, il se demandait ce qui arrivait à son amie. D’un geste distrait, il reposa sa lecture sur la petite table avant de se lever et de la rejoindre. Il s’accroupit à côté du fauteuil. Leurs regards se croisèrent. Katelyn avaient de magnifiques yeux bleus, mais elle les déroba bien vite à la vue de Paul en se tournant de l’autre côté. Le jeune homme fit une grimace encore plus soucieuse. Que pouvait-il bien arriver à cette universitaire, si souriante d’habitude ? Katelyn étudiait en première année dans une fac de droit. Elle avait des amies très superficielles et ne pouvait parler avec son père que de vêtements. Une vie sociale bien maussade en somme. Seulement ce n’était pas une nouveauté, et elle n’avait pas l’habitude d’être morose pour si peu… Le jeune homme caressa doucement les doux cheveux de la jeune femme, un geste d’apaisement alors même qu’il n’avait aucune idée des troubles de son amie.

- Hey… petite sœur… Tu ne veux pas me dire ce qu’il se passe ? Murmura-t-il.

D’un geste brusque, la susdite « petite sœur » se retourna vers le visage de Paul. La mine sévère, elle rétorqua :

- Ne m’appelle pas « petite sœur » alors que je suis plus vieille que toi !

A ces mots, Paul éclata de rire, et Katelyn s’en trouva d’autant plus vexée. Elle reprit sa position initiale, bien décidée à ne plus parler à cet impertinent petit frère.

- Mais logiquement, si tu es la grande sœur, ça devrait être moi qui boude dans un coin, et toi qui me console ! Aller va, si tu ne veux pas parler de ce qu’il se passe, essaye au moins de te dérider un peu !

Pour toute réponse, il ne reçut qu’une mimique énigmatique, mélange de défiance et d’approbation, qui était la marque de fabrique de la capricieuse étudiante. On ne savait jamais réellement ce qu’elle pensait, et peut-être était-ce mieux ainsi. Paul s’apprêtait à reprendre sa place sur le canapé, satisfait de savoir qu’il avait au moins réussi à lui remonter un peu le moral, avant qu’une voix enjouée ne s’élève de derrière la porte, accompagnée d’un brusque tambourinage métallique.

- Hello ! Y’a quelqu’un ici ? Je ne dérange personne j’espère !

L’importun n’attendit même pas une réponse des deux amis avant d’entrer dans la pièce. A peine moins haut que le sommet de l’ouverture, Paul appréhendait de plus en plus le moment où son ami finirait assommé par cette plaque d’acier. Le lutteur amateur était en effet, comme le sous-entend une telle passion, une véritable force de la nature. Les gens qu’il fréquentait depuis le collège ne l’avaient jamais vu cesser de grandir. Ce n’était jamais flagrant, mais toujours constant, si bien qu’entre la fin du collège et les premiers jours de cette dernière année de lycée, il avait bien pris une quinzaine de centimètres. Une croissance époustouflante, mais lorsque l’intéressé est interrogé, il répond simplement que cela s’explique par son extraordinaire coup de fourchette. Une théorie comme une autre, mais validée par son entourage.

Paul gloussa face à une pareille entrée en matière. Katelyn, pour sa part, ne dit rien, se contant d’aviser le nouvel arrivant d’un œil circonspect. D’ordinaire, David était dynamique, mais pas au point d’engendrer un tel tohu-bohu. Car sans plus de cérémonie, l’étudiant à la barbe blonde prit place sur le canapé de toute sa longueur, s’étirant souplement, soupirant longuement, avant d’enfin prêter attention à son compagnon qui venait de voir sa légitime place dérobée sous ses yeux.

- Alors ? C’était ta place ? Bah viens la récupérer ! Aller, je t’attends blanc-bec ! S’écria-t-il.

Un nouveau soupir de la part du jeune homme. Bien que David demeure un personnage qu’il avait appris à apprécier, forcé de constater qu’il demeurait un incorrigible égoïste doublé d’un vantard. Et le pire… c’est que c’était légitime. En effet, il n’y avait encore personne dans l’enceinte du lycée qui était parvenu à vaincre le lutteur sur le plan de la force. Le projet professionnel de ce brave homme était de devenir catcheur, afin d’acquérir gloire et fortune ! Le Rêve Américain dans toute sa splendeur.

Il manquait encore la moitié de la compagnie, mais déjà on pouvait sentir une certaine ambiance s’installer. Malgré la mauvaise humeur de Katelyn, qui n’était pas très naturelle, et celle de David, qui  l’était tout à fait, il y avait une sorte de chaleur dans ces boutades infantiles, de celle que l’on retrouve au milieu des grandes familles, entre les plus vieux et les plus jeunes de la fratrie. C’était le même genre de lien qui unissait les trois étudiants, et qu’ils partageaient aussi avec ceux qui n’étaient pas encore présents.

Alors que les minutes s’écoulaient, sous l’œil inquiet de Paul, quelques lointains éclats de rires parvenaient enfin à ses oreilles alertes, accompagnés d’une forte odeur de viande rôtie et de poubelle publique. Un bref cri aigu, le bruit sourd des matelas. Les trois amis regardèrent en même temps la porte blindée, se préparant mentalement à voir débouler le plus charmant duo que cette terre avait fait naître. Elle s’ouvrit finalement, mais cette fois-ci pour laisser dépasser la charmante frimousse d’une gamine d’à peine onze ans. Mignonne comme tout, malgré la pauvreté de sa robe et de son gilet, elle avait pris soin d’arranger sa coiffure, cela se voyait à son diadème rose. Malheureusement, l’entrée de la cave avait une fâcheuse tendance à défaire les plus solides mise-en-plie, et le bandeau se trouvait désormais pratiquement sur le visage de la petite fille, et ne parlons pas de l’état de ses cheveux. Malgré cela, Elodie restait tout de même le chouchou de toute la communauté. Preuve en est que la grincheuse Katelyn avait subitement décollée de son amour de fauteuil pour fondre sur sa petite sœur qu’elle enlaça un brin trop fort.

- Elodiiiie ! Comment va ma frangine préférée ? S’écria-t-elle.

- Elle irait… mieux si tu ne l’étouffais pas grande sœur !

La subtile remarque n’eut pas l’effet escompté, déclenchant plutôt un éclat de rire général dans la pièce. Paul, de son côté, avait profité d’un moment d’égarement de David pour lui subtiliser un morceau de canapé. Place qu’il ne tarda pas à perdre lorsque, conscient de l’opportunisme de son frère, le lycéen repoussa ce dernier sur le sol en un simple mouvement du bras. Une défaite amère, mais Paul ne renonçait pas ! Il tenta plusieurs fois de retrouver sa juste place, sans grand succès.

- Arrêtez de vous battre pour le canapé les gars, venez plutôt manger ! Entendit-on depuis l’autre côté de la porte.

Cette voix grave, calme, basse, était celle de Geoffrey, l’aîné de la petite Elodie. Lui était déjà grand, déjà majeur, mais c’était bien la seule différence qu’il avait avec sa sœur. Tous deux étaient bruns, plutôt chétifs, et au vu de leurs vêtements vivaient dans la rue depuis quelques temps déjà. Des enfants abandonnés, voilà ce qu’ils étaient. Deux ans plus tôt, un incendie avait emporté la maison, la voiture, les deux chiens et, bien évidemment, le père et la mère de ces enfants du monde. Une tragédie qui, malheureusement, n’était pas rare dans l’immense Cité des Anges. Elle méritait bien son nom d’ailleurs. Depuis cet accident, Elodie et son frère vivaient de la générosité des gens, qui n’était pas bien grande. Mais parfois, ils pouvaient tomber sur une bonne surprise, comme cet homme qui leur avait payé un fast-food, dans un immense élan de pitié. Geoffrey, indéniable philanthrope, avait d’emblée décidé de partager ce repas avec le reste du groupe, ce que sa petite-sœur approuva entièrement. Les deux orphelins étaient de véritables chefs d’œuvres de l’humanité. Brisés et pourtant debout, sans rien et donnant pourtant tout… N’importe qui voyant ce tableau serait emporté par une mélancolie toute naturelle.


L’annonce du repas en assagit plus d’un. Paul et David calmèrent d’un coup leur petite bagarre, happés par l’odeur alléchante du poulet frit ; Katelyn, avec la petite toujours dans les bras, était retournée sur son éternel fauteuil et regardait Geoffrey avec un large sourire. Ce dernier posa sans plus de cérémonie le seau en carton sur la table, s’affala lourdement sur le second canapé de la pièce, et s’écria : « A l’attaque ! ». Le dîner pouvait commencer. Comme à son habitude, David fondit avec avidité sur les morceaux de poulet pour en prélever le plus gros, qu’il dévora avec une joie, et un bruit, sans commune mesure. Fronçant les sourcils, Katelyn lui lança une harangue aisément justifiable :

- David ! Ce n’est pas toi qui nous as récupéré ce repas que je sache ! Tu pourrais au moins laisser la première part à Elodie et son frère !

Imperturbable, comme toujours, l’intéressé prit le temps de finir son morceau de viande frite, ce qui ne prit pas plus de quelques secondes, avant de répondre à l’étudiante.

- Ils avaient qu’à être plus rapide… Moi quand j’ai faim je ne me pose pas de questions !

- Et pourtant tu devrais… répliqua Katelyn, l’air renfrogné. N’oublie pas que nous sommes une meute. Nous devons partager, nous entraider, ne pas se la jouer solo ! Ce que tu fais c’est indigne d’un loup !

Un lourd silence tomba dans la pièce, d’autant plus que personne n’osait contester ce que la jeune femme venait de dire. Katelyn était l’ainée du groupe, la plus mature et celle qui avait acquis le plus tôt cet esprit de meute si essentiel. Pour ces diverses raisons, il fut convenu qu’elle était la chef ici, celle qu’il fallait écouter et suivre. Depuis le début de cette aventure, elle s’évertuait à guider La Meute sur le bon chemin, renforçant les liens entre chacun ; établissant des principes salutaires de solidarité, de travail d’équipe et d’égalité. Après un long moment, qui sembla durer des mois pour le jeune Paul, le lutteur tourna la tête vers son aînée, le regard humble pour la première fois depuis son arrivée.

- Tu as raison, grande sœur… Je suis désolé. Murmura-t-il.

Le visage de Katelyn s’illumina d’un sourire bienveillant, compatissant… presque maternel.

- Bien. Au moins tu as compris. Aller, mangeons ! Nous avons du travail cette nuit encore !

Tout le monde répondit joyeusement à cet appel, mais pas autant que l’espérait l’étudiante. Elle était consciente de sa sévérité, dominer aussi facilement l’armoire à glace qu’était David demandait une fermeté de tous les instants. Au fil des semaines, Katelyn avait ainsi acquis une réputation de bonne chef, certes, mais pas celle d’une grande sœur aimante et dévouée comme elle l’aurait voulue. Cette amère constatation la plongea dans une introspection silencieuse jusqu’à la fin du repas. Même Elodie, qui était pourtant sa préférée, ne put arracher à ce visage le moindre sourire. Elle aussi commença devint donc un peu morose, mais elle fut bien vite rattrapée par son frère qui la fit s’asseoir sur ses genoux.

- C’est quoi ce chagrin ma grande ? Tu boudes parce qu’Edward n’est pas venu manger avec nous ? Dit-il avec un large sourire.

- C’est vrai ça ? Il est où Edward ? S’exclama soudain Paul, qui était en train de bavarder avec David.

- Bon bah ça nous fait quelque chose à faire cette nuit ! Répondit Katelyn, sortant de sa torpeur. Ça nous fera faire de l’exercice !

Tous acquiescèrent avec le sourire. Ils ne s’inquiétaient pas vraiment de l’état de leur ami, c’était plutôt un prétexte pour sortir. Comme toute meute, le groupe révérait la nuit. Circuler au milieu des ombres, comme des spectres morbides… ils en étaient devenus accrocs. Le plus souvent, ils profitaient de ces balades pour aller au centre-ville, mais comme chacun sait le vagabondage nocturne n’était pas très apprécié et la bande se voyait souvent pourchassée par la police où un voisin un peu trop téméraire. Pourtant ils ne cassaient rien, ne criaient pas. Ils étaient juste là, sous la fenêtre des gens, silhouettes sombres, mais pas menaçantes. Ils discutaient, riaient, et cela faisait peur aux gens. Drôle de paradoxe.

La nuit n’était pas encore tombée, alors ils terminèrent leur sobre repas. Sans aucun moyen de voir l’extérieur, ils savaient précisément que les ténèbres n’avaient pas encore envahis la ville. Ils le sentaient, comme une intuition, surtout grâce à Paul, car lui, plus que tout autre, avait la position du soleil pratiquement gravée dans la tête. La nuit avait une odeur, une odeur âcre d’humidité inopinée, de fumée noire, transportée par le vent jusqu’à l’horizon, sans jamais tenir compte des limites de la ville. Les fumées de Los Angeles se flairaient à des kilomètres. Sous les indications précises du lycéen, la bande attendit donc encore une heure dans l’abri souterrain, avant d’enfin mettre le nez dehors, ou plutôt le museau. Sortir de la cachette secrète du groupe était aussi compliqué que d’y entrer, au grand bonheur de Paul l’Impatient. Il fallait, en premier lieu, bien fermer la porte, ce qui n’était pas si simple lorsque l’on possédait une douzaine de clés presque toutes identiques. Une fois ceci fait, comment remonter ? C’est à la fois l’avantage et l’inconvénient d’une trappe, ce n’est pas fait pour remonter. Une seule autre issue, le monte-charge.

Passons sur la vieillesse de la machine qui la faisait grincer, crisser et trembler de façon assez inquiétante à chaque utilisation, mais il fallait en plus de cela l’actionner manuellement grâce à une manivelle, une manivelle dans le même état que le monte-charge... David étant le plus fort, quelle mauvaise fortune, c’était à lui de s’abimer les bras pour faire fonctionner l’engin. Une épreuve somme toute assez simple malgré le fait que la machine mettait bien trente secondes à démarrer convenablement, le tout dans un concerto de grincements. L’opération réussie, le clan put enfin goûter à l’air nauséabond du port au crépuscule.

Tous ensemble, les uns à côté des autres comme une colonne de soldats, ils ratissaient une par une les rues proches de leur refuge, avec l’espoir que le sixième loup leur tombe dessus par hasard. L’inconvénient avec Edward, c’est qu’il pouvait être n’importe où. Los Angeles était son terrain de jeux, depuis des années, et il pouvait aussi bien être ici à observer ses amis d’un œil malicieux que plusieurs dizaines de kilomètres plus loin. L’unique solution qu’avait le groupe pour être à nouveau complet était d’attendre, de bouger un petit peu pour augmenter leurs chances. Le fait est qu’avec un membre en moins ils ne pouvaient rien faire. Comme chaque loup de cette singulière meute, il avait des talents à la fois uniques et vitaux. Sans lui, impossible de progresser. Il fallait donc au plus vite remettre la main dessus.

La vérité, c’était que pendant que ses amis se préoccupaient, tout relativement, de sa disparition, le jeune homme qui se faisait tant désiré se trouvait à seulement quelques kilomètres de là. Il ne voyait pas le reste du groupe, à vrai dire il ne s’en préoccupait pas. Bras et jambes attachés à une chaise, il était dans une pièce sans fenêtres, sans lumière. Seul avec les ténèbres, seul avec lui-même, il se sentait presque serein. Il n’avait aucune idée de l’état de son corps, mais en gigotant un peu il fut frappé d’une grande douleur à la hanche gauche, sûrement une ou deux côtes brisées. Les nombreux hématomes qui recouvraient sa peau pâle le brûlaient comme des marques au fer rouge. Son œil droit était gonflé et il avait salement mal à la mâchoire. Il n’y avait aucun autre bruit dans la cave que son souffle lent et discontinu. Un léger vrombissement, qui durait depuis plusieurs heures, résonnait dans ses tympans. Il ne pouvait plus respirer par ses narines, bouchées par le sang coagulé, alors il respirait par la bouche, tout en émettant les soupirs étranges des hommes qui souffrent. Vous savez, cette espèce de grincement des cordes vocales, comme si elles étaient couvertes de rouille. Le jeune homme avait les yeux lourds, sa tête dodelinait toute seule, comme bercée. Edward se sentait sur le point de chavirer, de sombrer dans l’inconscience. Quel bonheur ce serait. Plus de douleur, plus de bruit, seulement le repos. Mais l’intérêt du geôlier résidait justement dans le fait de ne pas laisser cela arriver, et c’est avec un soupir exaspéré que ‘il entra dans la sombre pièce. Une raie de lumière, pas si vive que cela, mais qui paraissait presque aveuglante pour le pauvre jeune homme emprisonné, lui frappa le corps et l’éblouit avec une telle violence qu’il poussa un râle. La silhouette noire du bourreau se découpa dans la lumière de la porte, plutôt haute et large, elle resta quelques instants immobile, puis, s’avançant à la vitesse d’une dérive de continent, elle s’approcha du jeune homme toujours attaché sur sa chaise, la tête baissée en tentant vainement de se protéger de la lumière aveuglante. Il ne pouvait toujours pas distinguer qui venait d’entrer dans sa cellule, et il s’en moquait éperdument, pourvu que cette personne ait la bonne idée de fermer la porte.

- Dis-donc, c’est pas la lumière qui t’a cassé les côtes à c’que j’sache ! C’est moi !

Cette rapide présentation fut accompagnée d’un violent coup dans la poitrine du prisonnier, si violent que la chaise en tomba sur le sol. D’un geste vif et puissant, le tortionnaire attrapa Edward par le col pour le remettre debout. Ce dernier gémissait de douleur, n’ayant pas la moindre envie de paraître viril et insensible alors que sa vie était manifestement en péril. Le point positif, c’est que la chute semblait avoir arrangée sa vue, il distinguait désormais plus ou moins le visage de son bourreau. L’homme était grand, crâne rasé, la peau noire et ne souffrait d’aucun excès de graisse, uniquement de larges muscles sur ses bras dénudés et, probablement, sur le reste du corps. Son visage, marqué d’une légère cicatrice à la joue gauche, ne trahissait pas une immense colère, mais le même genre d’irritation que celle d’un père pour son fils désobéissant. Une fausse rage, visant à faire peur, et cachant quelque chose de plus profond et douloureux.

- Jonas… je ne pensais pas que tu me retrouverais de sitôt…

- Et tu pensais à quoi hein ?! A te tirer avec ma copine ? Dans le seul but de te la faire ? T’es qu’un pourri Edward ! Je t’ai jamais rien fait moi, pourquoi tu t’es mis à tout casser dans ma vie ?!

- Parce que quand… j’ai trouvé Léa… j’ai su que tu la traitais mal… alors je te l’ai fait payer…

Un autre coup parti, cette fois empli de plus de rage que le précédent. La vue d’Edward se brouillait de nouveau, petit à petit, mais il était encore conscient et apte à parler, ce qu’il ne se priva pas de faire.

- C’est toi le pourri, mon gars… Tu frappes ta copine, et tu te penses plus légitime que moi qui ne fait que te la prendre ?

- Je n’battais pas Léaaaa ! C’est toi qui t’es mis ces idées-là dans la tête ! C’est toi qui a décidé tout seul qu’elle avait besoin d’aide ! Et c’est toi qui l’a draguée pour me faire du mal ! Sauf que moi… je ne lui ai jamais rien fait ! A toi non plus ! T’es juste complètement taré !

- C’est toi qui dit ça… tout en me brisant la mâchoire.

Et un nouveau coup résonna dans la pièce, ainsi que dans le crâne du jeune homme. Il tomba au sol, et cette fois-ci Jonas ne le releva pas. Il attendit quelque seconde devant le corps allongé de sa victime. Il avait envie de lui faire payer ses actes, il en avait tellement envie… Doucement, il sorti de sa poche un petit couteau à cran d’arrêt qu’il déplia. Il regardait toujours le corps inerte d’Edward, une sourde colère dans les yeux. Puis il frappa. Une fois, deux fois… Il lacéra les épaisses cordes qui attachaient les jambes du jeune homme, puis il passa aux mains. Edward était toujours inconscient, le visage boursouflé, mais il parvenait tout de même à garder cette expression de satisfaction. Jonas ne pouvait la soutenir plus longtemps. Il embarqua ses affaires dans son sac-à-dos, éteignit la lumière et sortit de la petite cabane de chantier qu’il avait… réquisitionné.


Les heures passèrent, et toujours aucun signe de leur frère. Chacun se plaçait sur plusieurs niveaux d’inquiétude. Le summum étant atteint par Elodie qui, pelotonnée dans les bras de son frère, marmonnait des sortes de prières à une divinité sans nom pour qu’elle leur indique la bonne route. Les autres jeunes gens étaient plus pragmatiques, ils finirent par ne plus laisser leur errance aux seules mains de la fortune et commencèrent à chercher les endroits potentiels où leur ami pouvait être. Le problème, c’était qu’Edward était aussi capricieux, silencieux et vigoureux que le vent des plaines du nord. Impossible à atteindre, impossible à entendre, impossible à saisir. C’était ce qui faisait sa force, sa gloire, mais cela rendait ses amis complètement dépendants de sa volonté versatile, et ça Katelyn ne pouvait plus le supporter. Elle grommelait dans la barbe qu’elle n’avait pas, frappait tout ce qui lui passait sous le pied, et empêchait quiconque de l’approcher. Définitivement, ce n’était pas son jour. Préoccupé, Paul ralentit l’allure pour se mettre au niveau de Geoffrey et de sa sœur. Cette dernière était la seule fille du groupe, avec Katelyn, et même si elle avait dix ans de moins, peut-être saurait elle quelque chose sur ce qui tourmentait la jeune femme.

- Psst… Elodie ? Tu ne saurais pas, toi, ce qui arrive à notre sœur ? Chuchota-t-il.

- Je suis en sixième, Paul, tu crois que je comprends les problèmes d’une étudiante d’université ?

Malgré son jeune âge, Elodie était d’une intelligence presque effrayante, et d’une clairvoyance enviée par beaucoup. C’est ce qui faisait la fierté de son frère de sang, l’hilarité de ses frères de cœur et la joie de l’aînée de la bande qui voyait en Elodie une sorte de disciple. C’était aussi la raison pour laquelle Paul lui demandait son avis. S’il y avait bien une personne au courant des maux de Katelyn, c’était elle. Malheureusement, même face à sa petite sœur chérie, l’étudiante était restée muette. Pourtant, cela se voyait qu’elle allait mal, cela se sentait. En parlant d’odeur, un parfum particulièrement entêtant arriva jusqu’aux narines de Paul. Bien entendu, personne d’autre ne l’avait senti, mais lui en était imbibé. Il avait plongé dans cette abîme écarlate, où le cerveau boue dans votre crâne. C’était la pire odeur qui soit pour un loup. Sans dire quoi que ce soit, le jeune homme prit la tête de la marche, passant même devant Katelyn qui, malgré son animosité, avait compris ce qu’il se passait. Contrairement à Edward, Paul était prévisible. Il demeurait la tête en l’air, se concentrant pour déceler les moindres effluves envoutants. Il suivait cette piste, comme aveugle au reste du monde. Il ne voyait, ou plutôt ne sentait, plus que cela. Le rouge lui monta aux joues, non pas par honte, mais par excitation. Elle n’était pas du tout prévue, mais obligatoire lorsqu’il était en présence d’un tel parfum. Son souffle se fit plus puissant, comme renforcé par une puissance invisible, il avait de plus en plus de mal à respirer. Le reste du groupe sur les talons, il avançait à travers des rues plus ou moins accueillantes, en passant par les boulevards les plus populaires de la métropole californienne.

Au bout d’une dizaine de minute d’une véritable traque, le jeune homme ne parvenait pratiquement plus à garder la raison. L’odeur était si forte, si forte… Il fallait que cela cesse au plus vite. David était aux premières loges pour admirer le visage de Paul se décomposer petit à petit. La sueur perlait sur son front blanc, à demi caché par ses cheveux, mais elle était bien visible. Dans un élan de solidarité qui lui était peu commun, le lutteur fit un signe devant le visage de son frère.

- Paul ! Eh Paul, ça va aller ?

- T’en fais pas…. On est plus très loin… parvint-il à répondre au bout de quelques instants.

Le lycéen était essoufflé, le visage rougit comme s’il avait couru plusieurs dizaines de minutes. Quelle plaie. C’était les inconvénients de son don, mais il les assumait avec optimisme, se répétant que les avantages rendaient caduques toutes ces petites incommodités. Il sourit face à la sympathie de David, suivit par Katelyn qui rajouta une petite pique au passage.

- Tiens David, tu es malade aujourd’hui ?

Elle n’eut pour toute réponse qu’un soupir exaspéré, ce qui la fit glousser. L’ambiance s’était nettement améliorée, certes au détriment de Paul qui s’approchait toujours plus de l’évanouissement, mais au moins n’y avait-il plus cette animosité latente entre la chef et le reste du groupe. Cet élan de fraternité poussa le lycéen à accélérer le rythme, ils approchaient de leur but, presque, presque…

Enfin, au tournant d’une ruelle, ils aperçurent une silhouette fantomatique marcher vers eux d’un pas lent et mécanique. Il faisait sombre, aucune lumière n’éclairait l’endroit. Pourtant Paul savait très bien à qui il avait à faire. C’était cela qu’il sentait depuis le début. Ce qui s’écoulait tout le long du corps d’Edward, comme une fraîche rosée matinale, le sang de son ami. Voilà ce qui avait excité ses narines expertes et maintenant qu’il n’était qu’à quelques mètres de la source. Paul sentait le sang battre ses veines comme l’on battrait du plâtre. Ses yeux se veinaient de pourpre, et un souffle puissant et haché sortait de sa bouche sans qu’il ne puisse rien y changer. C’en était trop pour Geoffrey qui lâcha la main de sa petite sœur pour aller soutenir son ami. Pendant ce temps, David, Katelyn et Elodie couraient vers Edward qui ne les avaient toujours pas vu, plongé dans son hébétude.

- Edwaaard ! S’exclamèrent-ils, presque à l’unisson.

David vint immédiatement réceptionner le pauvre bougre qui était sur le point de s’écrouler. Le reste du groupe, Geoffrey avec Paul sous le bras à l’arrière, se réunit autour de leur compagnon blessé. Katelyn était affolée, passant très vite ses yeux sur les multiples blessures dont souffrait son frère. Aucune entaille, seulement des coups, beaucoup de coups. Il ne saignait que du nez et de la bouche, mais cela avait suffis à Paul pour le retrouver et, dans le même temps, perdre le contrôle total de son corps. Aucun doute, c’était une sale nuit pour eux. Dans un geste spasmodique, l’étudiante prit le visage d’Edward entre ses petites mains alors qu’il reposait entre les puissants bras de David. Elle pleurait.

- Que… qu’est-ce qu’il t’est arrivé ?

L’intéressé parvenait à peine à ouvrir les yeux. Il avait longtemps marché dans cet état, sans savoir où il était, sans savoir où aller, aux blessures s’ajoutait donc un épuisement complet. Néanmoins, il parvint à se concentrer suffisamment pour croiser le regard de Katelyn. Ils avaient tous les deux de magnifiques yeux, bleus, l’un comme le ciel, l’autre comme l’océan, mais Edward voyait son charme renforcé par une crinière blonde qui lui arrivait jusqu’aux épaules. Il était beau, sans son œil au beurre noir, son nez cassé, et ses lèvres saignantes, il était beau.

- Je… je ne sais pas. Murmura-t-il avant de sombrer définitivement dans l’inconscience.

Avec émotion, la jeune femme le serra dans ses bras, lui transmettant une chaleur toute maternelle, car c’était là sa raison d’être. Elle était l’alpha de la Meute, elle devait protection, conseil et amour pour ses frères et sœurs. C’était la plus belle des malédictions, et elle en subissait constamment les retours…


©Stevie Kolodziej
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