Honoka est née dans un petit village au nord de Kyoto, il y a de ça bien des années. Son père était un petit commerçant de tissus, mais la qualité des étoffes qu'il vendait était connue de tout Gion. Ils menaient une vie simple, mais cela était suffisant. Jusqu'au jour où le commerce qui permettait de faire vivre la famille d'Honoka, brûla. Personne ne sut jamais ce qui était arrivé ou plutôt, personne ne chercha le coupable. On soupçonna même le père d'avoir mis le feu, dans un accès de colère alors qu'il avait trop bus. Ruinés, eux qui étaient déjà pauvres connurent la misère, le froid et la faim. La seconde guerre mondiale n'avait pas encore éclaté et le monde restait immobile alors que le temps, lui, défilait sans cesse. Un hiver plus rude que les autres, le père d'Honoka la conduisit chez un notable de la ville, pour qu'elle puisse jouer et passer la nuit au chaud, disait-on. Mais la fillette alors âgée de cinq ans, ne revit jamais sa maison.

Afin de survivre et dans le plus grand secret, elle avait été vendue à une Okiya, une maison de geisha. Ce n'était pas rare à l'époque, mais, il faudrait qu'elle trouve sa place parmi tant d'enfants dont certaines étaient les filles de sublimes artistes. Honoka fut achetée par la maison Sakurai et était la seule apprentie. La maison était dirigée par une femme âgée, au regard sévère, mais aux manières irréprochables. Trois geisha résidait dans l'Okiya et chacune connaissait un succès relatif, mais surtout Suzumi.
Après une année et demi de corvée et de servitude, on décida qu'Honaka était prête pour aller à l'école. Quel bonheur de porter un joli kimono de coton fin, d'entendre le petit claquement joyeux des gaitas sur le sol pavé de la ville ! Et surtout, quelle joie de pouvoir apprendre. Peu de femmes avaient le privilège d'apprendre à lire et d'avoir accès à la connaissance avec un grand C. La petite fille curieuse qu'elle était, fut véritablement enchantée de pouvoir commencé son apprentissage et rapidement, elle se révéla être particulièrement douée pour l'art de la danse.

Les années passèrent. Rythmées par les corvées de la maison, mais aussi par les cours et l'apprentissage. Une éducation du corps et de l'esprit aussi rigoureux que magnifique. Chaque détail comptait, chaque odeur, chaque parfum. Comment rire, comment discuter, comment servir le saké. La manière de dormir, de s'habiller, de manger. Tout était réglé au millimètre près dans un gracieux ballet de soieries et d'encens. Et c'est sous un nom très proche du sien qu'elle fit ses débuts dans le monde des geishas. Honaka devint Hanako, l'enfant de la fleur, tant sa beauté et la pâleur de son teint évoquait l'éphémère beauté captivante des pétales, elle devint la petite sœur de Suzumi, qui dés lors la prit sous son aile et lui enseigna tout ce qu'elle savait.
L'adolescente qu'elle était réalisa combien le monde était dur par rapport à l'école, combien il était aisé de danser ou de jouer du shamisen devant ses professeurs. Son apprentissage eu lieu après la deuxième guerre mondiale : les ressources étaient difficiles à obtenir et les kimonos qu'elle avait vu pendant sa jeunesse avaient perdu leurs éclats. Mais il fallait continuer la danse et les arts ancestraux. D'autant plus que nombre d'américains venaient à Gion pour y trouver un charme et l'exotisme japonais. Beaucoup de femmes commencèrent à se prostitué, gagnant de l'argent facile, mais aussi des cigarettes ou de l'alcool. Suzumi refusa toujours de céder son corps ou celui de sa petite sœur. Mais, chaque enfant se doit de devenir une femme un jour. Hanako ne faisait pas acception à la règle.

Comme le veut la tradition, il y eut une mise en vente pour sa virginité. Et c'est un Américain, un général, qui prit son mizuhage, faisant d'elle une véritable geisha à l'âge de 15 ans. Les enchères avaient monté haut, sans pour autant détrôné le prix du pucelage de certaines artistes entrés depuis dans l'histoire. Mais cela suffit pour que le monde devienne plus hostile. La rivalité entre les okiyas était plus que présente, obligeant les jeunes femmes à entrer dans un cercle vicieux ou amie et ennemie ne font qu'une. Tel était le prix à payer pour être la geisha la plus demandée. Un prix qu'Honoka avait de plus en plus de mal à payer au fil des années.
L'oka-san de son Okiya décéda peu après son dix-huitième anniversaire, laissant Suzumi prendre les commandes de l'Okiya. Par choix, elle ne prit aucune apprentie, préférant ainsi par son geste arrêter la vente de petites filles. Mais le manque de sang-neuf fit doucement couler la maison et année après année, il était plus dur de rembourser les dettes. D'autant plus qu'aucune geisha de la maisonnée, à cause de la crise financière, ne put trouver de dâna. Elles vendirent leurs kimonos les moins chatoyants et la vaisselle. Mais cela ne suffit pas.

Déjà âgée d'une cinquantaine d'année sans avoir connu la chance d'avoir un foyer, Suzumi adopta Hanako, lui transmettant le nom de Sakurai, juste avant qu'elle ne décède. C'est le cœur lourd que la jeune héritière décida de revendre l'Okiya. Elle ne pouvait pas continuer : sa beauté s'était lentement évanouît et si, on la réclamait encore pour son esprit, elle voyait bien dans les regards que son physique ne plaisait plus. Toutes les autres geishas étaient parties ou décédées, sa famille s'était envolée, alors pourquoi rester ?
Hanako décida de reprendre son ancien prénom, Honoka, avant de commencer une nouvelle vie dans la petite ville d'Iteku.

N'ayant jamais fait d'études, elle trouva son salut dans la reprise d'une boutique de kimono qu'un vieil homme lui céda pour une bouchée de pain. Sa vie avait débuté dans les étoffes, alors pourquoi ne pas la finir dedans également ? Pendant des années, elle perpétua la vente des kimonos et devint vite une référence. Aucune autre boutique ne pouvait rivaliser avec la qualité, mais aussi avec le choix que son enseigne possédait.

C'est en rentrant de la boutique, qu'un soir, une étrange apparition à la télé la fit détourner le regard de son chemin, elle qui d'ordinaire, marchait droit devant elle. Une certaine Miss Harmonie proposait une nouvelle vie. Au début, Honoka fut tenté de détourner le regard et passer son chemin, mais elle se rendit vite compte que l'annonce passait sur toutes les télés. A vrai dire, elle trouva cela inquiétant pendant quelques jours, avant que le rythme de la vie quotidienne d'une femme octogénaire, ne revienne à la charge... Et ce fameux nouveau monde, elle n'y pense et ne s'en soucie guère.