"La vie est...compliquée. C'est la seule conclusion logique que j'ai pu tirer de mes années sur cette charmante petite boule bleutée que l'on appelle la terre. Et j'en ai vécu des choses durant ce temps limité, je peux vous l'assurer.

Je suis né dans une famille relativement simple, mais aimante. Pas d'origine particulière ou autre, un enfant tout à fait normal dans une famille des plus moyenne. C'était ce qui devait se passer à l'origine, mais tout ne se passe pas toujours comme prévu dans ce monde imparfait qu'est le notre. Je suis né albinos, une petite étrangeté qui aurait dû mettre la puce à l'oreille pour certains. Selon ce qu'on dit, j'ai passé deux semaines avec un respirateur à l'époque. Des difficultés à respirer il parait, j'étais trop jeune pour m'en souvenir. Mais c'est ainsi que tout à commencé.

Ma santé a toujours était très précaire. Je tombais souvent malade, ma constitution était relativement faible et j'étais terriblement chétif pour mon âge. Mais ma famille tenait bon, toute l'attention était centrée sur moi et je recevais autant d'amour qu'une mère aimante pouvait donner. Les temps étaient plus simples, les besoins aussi. Avec la parole vinrent la cognition et la conscience de soit, je ne considérerait pas ce que j'étais avant comme "humain" mais plutôt d' "humain en puissance". J'ai rapidement compris comment obtenir ce que je voulais auprès d'autrui, en jouant sur l'attachement et les sentiments. Je le fait toujours bien entendu, impossible d'oublier une leçon aussi basique que vitale.

J'étais bien différent à l'époque, je devais avoir environ 4 ou 5 ans la première fois que je me suis cassé quelque chose, turbulent et insouciant étaient les meilleurs qualificatifs permettant de caractériser la petite boule de nerf que j'étais. Les hôpitaux ne m'ont jamais fait peur, au contraire je trouvait quelque chose de rassurant à ces murs. En me mettant le plâtre, et en me voyant lorgner du coin de l’œil les instruments sur la table, l'un des infirmiers blagua en sous entendant que je ferais un excellent plus tard. J'imagine qu'il avait raison, même si les usages que je m'étais imaginé quand à l'utilité de ces outils devait être bien éloignée de ce qu'il avait en tête.

C'est à la suite de cette visite que j'ai commencé à sentir sa présence. Je n'avais aucune idée de sa véritable identité ou de sa véritable nature, mais je l'entraperçue alors. Des joues rosées, un regard doré, un sourire empli d'une malice certaine mais aussi profondément doux et attentionné. Elle se tenait là, au coin de mon regard, à la limite du domaine du visible. Je l'ai toujours entrevue fugacement à partir de cet instant. Plus ou moins clairement, certes, j'avais assumé qu'elle n'était qu'une simple manifestation de mon imagination débordante. Et dans un sens elle l'était. Alors que je vieillissait, elle aussi prenait quelques centimètres. Je l'ai alors baptisée Alice, en hommage à l'héroine éponyme du roman de Lewis Carroll. Que voulez vous, elle ressemblait à l'illustration sur la couverture. Oui, j'étais jeune je sais, et probablement un peu con aussi j'imagine.

Alice durant des années, je l'ignorais la plupart du temps mais il m'arrivait d'essayer de converser avec cette entité. Je n'ai jamais eu que de petits ricanement en seule et unique réponse. J'ai plus ou moins abandonné à force, j'étais plus occupé à essayer de converser et m'intégrer avec de vrais personnes de toute façon. C'est que c'était pas si aisé que ça l'école. Entre les horaires strictes, les choses à apprendre et les relations sociales il y a avait de quoi se perdre. Enfin, au moins j'avais un cerveau de première qualité ce qui compensait le fait que j'avais un peu de mal avec les deux autres points. Ma vie restait cependant des plus calmes et agréables, j'avais même réussi à me constituer un petit cercle d'amis. Mes compétences en relationnel ne devaient pas être aussi pathétique qu'escompté.

La vie continua paisiblement jusqu'à mes 8 ans, c'est alors que les véritables emmerdes ont commencé, et de façon assez stupide je dois dire. Sans trop savoir comment, il semblerait que j'avais prit dans mes filets une charmante petite chose innocente qui s'était alors attachée sentimentalement à ma personne. Comme on le dit assez souvent, le cœur a ses raisons. Cette charmante petite avait donc déposé une lettre dans mon casier à chaussure et m'avait convié dans un décor des plus approprié, un parc enneigé. Ambiance des plus légère et charmante, les choses commencent plutôt bien, les premiers contacts sont à la fois gênés et maladroit mais quoi de plus normal? Je stresse, mon cœur s'emballe et tout d'un coup une douleur sans aucune mesure s'empare de ma poitrine. Je m'effondre au sol et perd connaissance.

Le réveil fut assez difficile. Une poitrine en feu, une respiration à la fois saccadée et tronquée d'une grande partie de sa puissance, un câblage impressionnant s'extirpant de presque tout mes orifices. Le choc fut pour le moins....brutal. Q'un enfant se retrouve dans une telle situation était le genre de cadre idéal pour un traumatisme des plus graves.

6 mois que ça a duré cette affaire. 6 mois à ne pas pouvoir bouger, à recevoir un nombre incalculable de médicaments au effets secondaires aussi variés que colorés. Mes amis vinrent les deux premiers mois, par la suite leurs visite se firent plus rare. Et la demoiselle qui avait essayé de se confesser à moi? Jamais revue. Pour être franc je pense qu'apprendre ce qu'elle avait provoqué chez moi sans le vouloir en était la raison principale. Ça et le fait que nous somme des créatures on ne peut plus égoïstes.

Enfin bref, tout ça pour dire au final que cet événement déclencha une suite de maladie chroniques et de défaillances d'organes qui faillirent prendre ma vie un nombre incalculable de fois. Tout commença par mon cœur, rendu inopérant par une histoire d'amour entre deux gamins. On m'en greffa un nouveau et on me bourra de médicaments pour éviter tout risque de rejet. Quelques mois plus tard ce fut un rein. L'année d'après le foie prit congé à son tour. S'en était presque devenu un gag récurent. Les apparitions d'Alice se firent aussi plus claires et présentes. J'aurais dû paniquer, croire que je devenais fou, après tout voir une personne qui n'existe pas aussi clairement que n'importe quelle autre était grave. Pourtant, sa présence m’apaisait. Elle ne disait jamais rien, me fixant d'un silence de mort alors que j'étais au plus mal.

Les années passèrent, les emmerdes se succédèrent. Le nouveau cœur qui lâche à son tour, une voiture qui manque de me tuer à deux reprises, ... La malchance me suivait comme mon ombre, à moins que ce ne soit la faucheuse qui désirait ardemment prendre ma vie, malgré la détermination des docteurs et de ma famille à faire en sorte que le contraire arrive. Je n'ai jamais pu suivre des cours comme n'importe quelle autre personne de mon âge, normal quand on passais plus de temps dans une chambre aseptisée que chez soit. Pourtant, je ne manquais aucunement de temps et de volonté. La plupart de mon éducation s'est faite ainsi: Seul devant un livre, à envoyer mes exercices terminés à une personne qui ne passait me voir qu'une à deux fois par mois. De toute façon je ne prêtais plus attention aux visages de ces coquilles vides qui se succédaient dans ma chambre. Tout juste si je réussissait encore à reconnaître ma mère.

C'est étonnant ce qu'une quantité suffisante d'opiacés et de douleur peut faire de vous, pour moi ce fut une révélation. J'étais le seul être humain autorisé dans mon monde, tout le reste n'était qu'accessoires ou bruits de fond. Une telle perspective me terrifia complètement, plutôt que de risquer de me retrouver seul à jamais, le jeune moi préféra choisir la facilité. J'avais 14 ans quand je me suis jeté de la fenêtre de ma chambre au 3ème étage.

Si j'avais les connaissances en terme de vélocité terminale que je possède aujourd'hui, j'aurais probablement compris qu'une chute de cette hauteur ne garantissait pas à 100% que je trépasse. Attaché, en morceaux tant physiquement que mentalement je ne pouvais être plus malheureux et désespéré. La seule lueur d'espoir provenait de la pompe à morphine qu'on m'avait gracieusement confiée. L'ivresse n'était que temporaire malheureusement.

Mon corps réussi à guérir à force, on me renvoya chez moi, plus légume qu'humain, et la vie continua alors que j'avais complètement baissé les bras. Les années se suivirent, les tentatives de délivrance aussi. C'est vers mes 18 ans que la situation commença à changer de nouveau. Je venais de faire ma 13ème tentative ratée, il faut croire que je n'étais pas doué pour ce genre de choses, ou que quelqu'un voulait VRAIMENT que je reste en vie. La famille était devenue tout aussi désespérée que moi, il usèrent donc de moyen extrêmes pour me faire changer. Thérapie par électrochocs, convivialité et convulsions furent au programme. Et, étrangement, à la sortie de cette institut mon état s'améliora, sauf que les médecins n'étaient aucunement responsables.

Alice, toute ma vie elle m'avait observé, et ce fut en ce lieu qu'elle réagit pour la première fois. Elle m'aida à m'évader de ma cellule capitonnée et me dirigea à travers l'institut, à moins que je ne me soit débrouillé par mes propre moyens? Ma mémoire est assez floue concernant cet épisode de ma vie, toujours est il qu'elle fut qu'avoir une apparition fantomatique de votre imaginaire vous guider dans ce qui est ni plus ni moins qu'un asile de fou reste un plus. Surtout avec ce qu'ils nous donnaient et après les séances de "remise en forme". Bref, ce fut dans une des salles réservées au personnel que je réussit à trouver un antiquité dans un des tiroirs, pointé par Alice bien entendu. C'était une sorte de petit pieux métallique particulièrement pointu accompagné d'une sorte de maillet.

Mon subconscient me mima la marche à suivre, je me doutais qu'il s'agissait d'outils qui étaient autrefois utilisés pour réaliser des lobotomies mais il s'agissait de la première fois que j'en voyais en vrai. Alice me donna la marche à suivre, en silence comme à son habitude. Plaçant la pointe de l'outils en métal en un point précis à proximité de mon œil, je pris une grande inspiration avant d'abattre violemment le marteau sur l'extrémité plate de l'engin. Clairement quelque chose se brisa ce jour là alors que la pointe métallique pénétra mon cerveau, et ce fut pour le mieux.

On me garda encore un mois ou deux sous la main, le temps de faire des examens et de vérifier que je n'étais ni devenu un légume ni une personne dangereuse pour moi ou la société. On me diagnostiqua sain d'esprit avant de me renvoyer chez moi. Pour la première fois de ma vie...j'étais à la fois heureux et en bonne santé. Ma nouvelle condition demanda cependant un certain temps d'adaptation, mon geste ayant très clairement changé ma façon de fonctionner.

Ainsi je put reprendre une vie pseudo normale, buvant, chantant, riant à gorge déployée pour la première fois en plus d'une décennie. J'avais même trouvé ma voie après tout ce chaos, décidant enfin de prendre le taureau par les cornes et de m'engager dans des études de médecine. Bien entendu il y eu les crises à gérer, une petite nouveauté que je réussit assez rapidement à maîtriser par le biais de doses journalières de morphine. En complément je devait toujours prendre une quantité ahurissante de médicaments pour continuer à fonctionner, mais j'avais l'habitude.

J'ai déménagé à Iteku il y a deux ans de cela. Plus de perspectives et des enseignements qui me convenaient mieux, sans oublier qu'entre temps j'avais légèrement tué quelqu'un de façon accidentelle après avoir oublié de prendre mon shot de morphine mais ce n'est que du détail tout ça! De toute façon la police n'a aucune piste et ne pourra jamais me relier à cette affaire, donc tout va bien!

Je n'avais pas cours le jour où l'annonce de la Mayonaka Channel fut diffusée sur mon téléphone, autant dire qu'en bon cartésien j'eus du mal à croire de telles déclarations. Un autre monde derrière un écran de télé, comment une telle chose pouvait-elle être vraie? Pourtant, et malgré que je me moquais de ceux qui désiraient voir s'ils étaient capable de passer leur main à travers l'écran, je finit par faire de même sur le vieil engin analogique trônant au milieu de ma chambre. L'étonnement fut complet lorsque ma main réussit à passer à travers le verre, arrivant dans un espace là ou de l'électronique aurait dû se trouver.

Une force inconnue me tira de force à l'intérieur de ma propre télé, m'entrainant de force dans une contrée inconnue pourtant décrite par Miss Mayonaka quelque heures auparavant. Une terre infinie, recelant 1000 et 1 mystères, Noerphilie. J'ignorais alors tout de ce gigantesque terrain de jeu, et pourtant déjà je remerciait celui ou celle qui nous avait permit de rejoindre cette réalité alternative. Grâce à elle, je n'étais plus seul. Une main de petite taille enserrait en effet la mienne lorsque mes yeux se posèrent sur l'horizon pour la première fois. Alice était là, me fixant avec son éternel regard malicieux et pourtant attentionné à mon égard. Pour la première fois de ma vie, je pus l'entendre parler.

"Thou art I... And I am thou...from the sea of thy i come forth...."

La petite voix fluette marqua une pause, s'agenouillant devant moi.

"Je t'attendais depuis longtemps très cher. Si je suis ici à cet instant, c'est pour te promettre que je te servirais à jamais, comme je l'ai toujours fait. Alors en échange....Laisse moi être la personne qui te finira, mon cher moi."

Je ne pus me retenir de rire chaleureusement, malgré que ma voix ne soit pas réellement faite pour ce genre d'office. Je savais qu'elle faisait partie intégrante que moi, qu'elle n'était qu'une partie de mon subconscient que je ne pouvait maîtriser en aucun cas et pourtant, je ne me sentais plus seul. Quelle qu'eusse été sa demande, aussi folle soit elle, que j'aurais immédiatement accepté.

"Bien entendu, tu connaissais ma réponse de toute façon vu que tu es moi."

Elle me répondit en acquiesçant, ne pouvant retenir un petit ricanement enfantin alors qu'elle ne vint se poster à mes côté, tout aussi heureuse que moi en cet instant. Nous avions tout un nouveau monde à explorer et faire notre. Après tout je devais honorer cette terre qui m'avait offert un si merveilleux cadeau.