Je m'appelle Mayu Tetsuka, et j'ai 16 ans à l'heure où je vous parle, même si en réalité quand on me voit on m'en donne plus 12. J'ai arrêté de grandir, je crois que cette volonté est tellement forte en moi, qu'elle a finit par affecter mon évolution physique. De taille je suis petite, j'ai un visage tout rond et de grands yeux d'enfant. Je suis née à Okaïdo, dans une famille de business men, très riches et distinguée. Ma mère voulait trois enfants, trois garçons, trois winners. La voilà avec une empotée de fille unique, et associable en plus. Après ma naissance, ma mère n'a plus pu faire d'enfants, encore des complications médicales auxquelles je ne comprends rien. Elle ne me le dit pas, mais je le ressens au plus profond de mon être, je suis indésirée et indésirable chez les Tetsuka. Seule héritière de la fortune familiale, mon père compte sur moi pour reprendre les rennes de sa filiale, et même s'il n'est pas foncièrement méchant, il est extrêmement exigeant, et sa nature froide n'arrange rien. La moindre des choses pour qu'on me foute la apix, c'est de ramener des bons résultats, ça je l'ai compris. Aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours été une bonne élève, sérieuse et régulière.

"Il y a 3 lois ma fille pour réussir : le sérieux, la solitude, et la discipline."
"Pourquoi la solitude papa?"
"Parce que personne n'apprécie les gens qui ont le pouvoir."

Mon père est parfois extrême, mais il a raison. Quand j'étais en primaire, j'étais très populaire. Les enfants savaient de quelle famille j'étais issue, j'avais toujours de jolies robes, les filles adoraient lisser ma longue chevelure noire. Je leur offrais ce qu'ils désiraient en échange de leur amitié, pour moi tout cela était "normal". Au collège ce fut différent, l'uniforme, la course aux résultats, je devais absolument être la première. En plus de mon travail acharné pour devenir la meilleure, je me suis rendue compte qu'en fait je n'avais pas d'amis. Personne n'aimait Mayu, en fait tout le monde voulait compter dans son cercle de connaissance la fille Tetsuka. Alors j'ai compris qu'il fallait que je devienne personne. Qu'il fallait que j'efface ce nom qui me collait au visage, pour enfin pouvoir être moi même. Malheureusement, ça ne s'est pas exactement passé comme prévu. Je n'ai jamais pu redevenir quelqu'un, les professeurs eux mêmes ont fini par oublier mon nom, mon visage. Alors, les années restantes du collège ont été seulement des moments de souffrance, de frustration et de colère.  

"Mayu, tu as vu tes résultats? Tu crois que c'est comme ça que tu vas prendre notre place ? Regarde, tu fais pleurer ta mère!"
"Mais vous ne voyez pas que je suis malheureuse?"

Mon père me mit une gifle, et fou de rage il me fixait avec ses yeux de cinglé.

"En voilà une raison d'être malheureuse, vas dans ta chambre."

Le soir qui a suivi, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je suis allée sur mon ordinateur qui prenait la poussière, je me suis dis qu'il fallait combattre le mal par la mal. Et alors que j'écoutais des musiques tristes à se tirer une balle, je suis tombée sur une pub. Un simple publicité. Elle était là, collée contre le coin de ma fenêtre, dans un petit coin. Elle parlait d'un jeu, mon premier jeu, "Blade your soul". Une sorte de MMORPG en ligne. Leur slogan c'était "Change de vie, change de dimension". Un simple click, qui a effectivement changé ma vie. J'y ai passé ma nuit, je parlais avec des gens sans même savoir qui ils étaient, sans qu'ils ne me jugent pour qui, moi, j'étais. Cette "moi" que je cherchais, elle était juste ici, juste derrière cet écran. Petit à petit j'ai multiplié les jeux, je suis rentrée dans cette culture "geek" et "otaku". Dès le lendemain j'ai signé un pacte à mes parents. Je leur ai demandé de me laisser faire ce que je voulais, en échange de la promesse d'être digne de reprendre leur entreprise un jour. C'est depuis que je me teins les cheveux en rose, que je mets des lentilles de contacts sur mes yeux. J'achète tous les derniers jeux, les bornes d'arcades Tekken, et je me rends à toutes les conventions sans exception.

Mais il y a un peu moins d'un mois, quelque chose de beaucoup plus grand s'est produit. Mais vous devez déjà être au courant n'est-ce pas? Peut être nous sommes nous déjà vus? De toute façon, vous ne m'auriez pas reconnus. Oui, je vous parle de la Noerphilie. Cet "univers" parallèle dans lequel tout est possible, dans lequel vous pouvez devenir quelqu'un d'autre, quelqu'un de strictement opposé à vous. Après l'annonce publique que j'ai visionné en direct du grand écran de ma salle de classe, j'ai immédiatement compris que c'est un de mes rêves les plus fous qui allait se réaliser. Bien sur, comme convenu avec mes parents, je suis restée en classe, avec le plus grand calme du monde, et j'ai attendu la fin de la journée. Nous étions seulement 4 a avoir pris cette décision.  J'ai pris le bus, je suis rentrée chez moi, j'ai dis bonsoir à mes deux parents. Mais une fois dans ma chambre... La j'ai hurlé, je trépignai sur le sol, je bondissais sur mon lit, emplie de surexcitation et de pur bonheur. Devant l'écran de mon téléphone, une petite hésitation... Et si jamais cela ne marchait pas ? A quel point je serai malheureuse? Mais pas de place pour le doute!

Quant au bilan de mes premiers pas... Ce n'est pas moi qui vais vous en faire part.

Je suis Yumi, et je ne suis pas bavarde. Je vais donc être brève sur le sujet. Comment réagiriez-vous si vous veniez au monde à l'age de 25 ans? Je sais que ce n'est pas vrai, que je suis simplement Mayu Tetsuka, dans une enveloppe corporelle différente de la sienne. Je sais que je n'ai pas ma propre existence, tout au fond de moi... Mais comment admettre cela? Je me sens différente, j'ai l'impression d'être unique, d'être moi. Je dois cette existence à Mayu, ou comme on pourrait dire, mon autre moi. Je la chérie pour ça et ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour la protéger, je sais que si je meurs, elle meurt aussi.
Je suis Yumi, et je suis une guerrière. Ce monde est fait pour moi, il est en parfait équilibre, en parfaite adéquation avec ma personnalité. Ce monde est beau, vaste, et même si les gens y sont aussi hypocrites et égoïstes que dans ce qu'on appelle "la vie réelle", il est simplement plus facile de les ignorer.