Prague, 31 octobre 2008
Ok, j'avais reçu ce vieux carnet y'a déjà très longtemps pour en faire un journal intime, y'a environ huit ans j'dirais. Mais ça m'avait jamais traversé l'esprit d'écrire dedans, jamais jusque là. Ouais, parce qu'aujourd'hui, il s'est passé des trucs plutôt dingues, alors je me suis dit que c'était mieux que je l'écrive. Masi en fait, une fois devant le fait accompli... Je sais pas par quoi commencer... Ah, si, mon cadeau d'anniversaire ! Ouais, car c'est mon anniv' aujourd'hui, le 31 octobre. Donc oui, j'ai enfin eu un PC pour moi seul. J'aurais plus besoin d'utiliser en douce celui des vieux ! Ils ont dû se saigner pour pouvoir payer ça, mais bon, c'est la vie. J'adore l'informatique, au collège déjà j'adore faire cours sur les ordis. Je devrais moins m'ennuyer avec ça.
Sinon, on a encore essayé ce "jeu de l'audace" là, s'imposer des défis de taré toujours plus fort. Ivan s'est jeté dans la Vltava depuis le pont et il en réussis à s'en sortir en entier. Donc, Pavel et moi, on a voulu faire plus fort et on est resté sur une ligne de chemin de fer jusqu'au dernier moment. Mais sur un coup de flippe, on est partit trop tôt. Je suis sûr que je peux rester plus longtemps que ça, je forcerais Pavel à rester avec moi plus longtemps la prochaine fois !

Prague, 13 septembre 2009
Ca fait déjà presque un an que j'ai pas réécris dans ce machin ? On voit à quel point ça m'intéresse, tiens.  Mais bon, faut que je garde une trace écrite de ce qui est arrivé ces derniers jours ! Je me suis fait faire un tatouage ! J'ai pas l'âge requis pour ça mais avec de faux papiers d'identités et de l'argent, le type s'est pas trop posé de questions. C'est pratique, la vie à Prague. Par contre, les parents ont ragé quand ils ont vu le résultat. En fait, c'était pas prévu qu'ils le découvrent, mais je pensais pas que mon père allait débarquer dans ma chambre sans prévenir. J'étais torse nu, le tatouage était sur mon bras, forcément, il l'a remarqué. Mais j'ai pris moins cher que ce que je pensais, j'ai à peine quelques contusions... Il vieillit mal, lui. Avec le temps, il a la hargne qui s'en va. Y'a juste cet œil au beurre noir qui va durer longtemps, mais bon, j'ai l'habitude maintenant. Et aussi, nos défis sont de plus en plus géniaux ! Cette fois, on était vraiment à deux doigts d'y passer avec Pavel ! D'ailleurs, ça nous a rapprochés.

Prague, 02 Janvier 2010
Bordel, et on dit que de nos jours les jeunes savent plus s'amuser ? J'ai passé un nouvel an juste trop intense et ça va faire maintenant... Quatre, non, cinq jours que je ne suis pas rentré chez moi. Ils doivent être en train de rager un max, mais tant pis, j'me sens tellement vivant là maintenant que j'abandonnerai cette adrénaline pour rien au monde ! J'ai de nouveau tatouages, de nouveaux piercings... Bref, de tout. J'suis en passe de devenir une véritable œuvre d'art à moi seul ! J'ai jamais autant bu et fumé que ces derniers jours aussi, les hallucinations étaient trop fun pour que j'ai envie d'arrêter. Là j'ai un peu de temps pour écrire avant qu'on se barre tous pour Berlin, histoire de voir un peu des nouvelles zones, ici ça commence à craindre un peu pour nous, Alexander et les autres se sont déjà fait arrêter plusieurs fois et moi ça risque de plus tarder. Au moins, là bas, on nous fera moins chier.

Berlin, 09 Janvier 2010
J'suis en train de perdre pieds, et c'est pas à cause de ce que les potes nous ont refilés... Merde, putain ! Il est mort ! Comme ça, juste sous mes yeux ! Pavel est crevé maintenant, sous mes yeux, moi un pauvre gosse de dix-sept ans ! Mais merde, qu'est-ce qui m'a pris de le lancer dans ce jeu aussi con, aussi ? C'est de loin le truc le plus craignos qu'on ait jamais fait ça, faire l'équilibriste sur le toit d'un building. J'avais réussi, j'aurais dû arrêter là plutôt que de jouer avec le feu. Ça lui a pris qu'un instant pour glisser et tomber du mauvais côté. C'est comme ça que le rideau se ferme sur lui, à l'âge de vingt-trois ans. On se croyait invincible et voilà le résultat... Au final, la fin est la même pour tous, quoi qu'on fasse.
Merde, ce con va me manquer, sérieusement. Quand je pense à tout ce que j'ai vécu avec lui, à tout ce que je ressentais pour lui... Je saurais jamais si c'était réciproque ou s'il faisait que jouer avec moi.  Tous les autres se sont barrés, je me suis retrouvé seul face à la réalité, à devoir me raisonner et à me barrer sans même un regard pour lui, pour pas me faire pincer par les flics. Je prends un train dès ce soir pour Prague, tant pis si je dois être un clandestin. Une fois là-dedans, je serais tranquille, je pense. Je pense. Pavel est mort, mais j'arrive pas à m'ôter cette phrase de la tête, cette putain de phrase. C'était son heure, c'était son heure... J'arrive vraiment à penser ça ? Merde, je crains. Si c'était son heure, à quand la mienne ? Je me demande comment je vais crever, moi. La mort, qu'est-ce que c'est ? Une fin ? Ou un commencement ?

Paris, 15 Juin 2014
J'avais oublié ce vieux truc avec le temps... Pourtant, il s'en est passé des choses depuis. Alors... J'avais arrêté d'écrire après la mort de Pavel, voyons... J'ai mis une semaine pour retourner à Prague et là, j'ai récupéré plusieurs affaires chez moi, dont mon ordi portable et j'ai quitté cette baraque, quelques bleus en guise de souvenir de mon père au passage. J'aurais pu terminer mon histoire dans la rue, abandonné de tous et sans personne pour me voir lâcher mon dernier soupir. Mais j'avais envie de vivre visiblement, au moins assez longtemps pour prouver que j'étais quelqu'un. J'ai récupéré, chez Pavel, la quantité monstrueuse de drogue que lui et tous nos anciens potes avaient amassé pour planer et je l'ai conservé dans l'espoir de la vendre si un jour j'avais besoin.
J'ai passé les premiers mois à vivre dans une auberge de jeunesse en mentant sur mon âge et en volant juste assez de fric pour pouvoir rester là bas toujours un peu plus longtemps. A cette époque, je me souviens que je vivais de petit vol et de petit trafic de composant informatique que je récupérais à droite et à gauche. Puis, comme ça me suffisait plus, comme je voulais une vie mouvementé, j'ai cédé aux avances d'un type louche qui, en profitant de mon triste état, à voulu me prostituer. J'avoue que ça a été une expérience qui ne m'a pas particulièrement plu, loin de là. C'est à cette époque que j'ai commencé à accentuer mon look actuel, à commencer par mes yeux noirs et rouges, mes cheveux rasé sur un côté du crâne et toujours plus de tatouages et de piercings. Quand je repense à tout ça, je me dis que je ne voulais plus plaire à personne et que je tentais de me rendre repoussant pour la plupart des gens. Mais bien sûr, ça n'a pas suffit, j'ai donc dû partir sur un autre plan pour échapper à toute cette merde : J'allais quitter Prague. En secret, j'ai réussi à écouler tout mon gros stock de stup' auprès de quelques bourgeois qui m'en ont donné une fortune et avec tout ce fric, je me suis barré. Depuis là, j'ai voyagé dans presque toute l'Europe de l'Est, Vienne, Minsk, Sofia, Budapest... Même plusieurs pays d'Europe du nord, qui sont d'ailleurs des pays magnifiques. Chaque fois, je restais quelques mois, je me faisais toujours un peu plus de fric grâce à quelques magouilles pas très légale -je crois que j'ai jamais rien fait de légal de ma vie- et quelques trafics avant de me tirer quand ça devenait trop risqué pour moi.
Puis, quand j'ai eu vingt ans, j'ai réussi à percer dans un domaine particulier : le piratage informatique. Visiblement, on me considérait comme un génie dans la matière et je me suis vite retrouvé engagé dans un petit groupe de hackers à deux balles qui voulaient dénoncer le système. Plus d'emmerdes qu'autre chose, alors je me suis vite barré de là et je me suis mis à mon compte. C'est dingue le nombre de personne qui, abrité par l'anonymat factice d'Internet, peuvent faire appel aux services d'un hacker. J'ai fait un peu de tout, entre dévoiler des secrets industriels, fouiner dans les mails et espaces de stockages de couples pour trouver de quoi les faire chanter pour un tiers, emmerder d'autre types qui voulaient s'en sortir ordi en main... Bref, rien de bien cool. Mais je dois reconnaître que c'est à partir de là que j'ai trouvé ce qui me plaisait réellement. Avec toujours plus de pactole, j'ai continué à partir de pays en pays pour faire toujours plus de magouille, aussi bien informatique que physique, et aujourd'hui, me voilà en France. Mais en ce moment, j'ai un autre projet qui m'occupe pas mal l'esprit. Le Japon, plus particulièrement la ville d'Iteku qui semble faite pour les adeptes d'informatiques et, sans doute, de marché noir. Car c'est clair, l'un ne va pas sans l'autre et si mon intuition ne me trompe pas, je devrais pouvoir me faire pas mal de blé là bas.

Iteku, Mardi 18 Avril
C'est la dernière fois que j'écris dans cette vieille merde, mais putain je suis obligé d'écrire ce qui s'est passé. Je suis enfin à Iteku depuis quelques mois, j'ai claqué tout ce que j'avais pour un appartement haut de gamme et un matériel informatique de pointe, bref on s'en fout. Ce qui est important, c'est ce truc de dingue, ce matin. Cette Miss Harmonie, personne totalement inconnue, qui est apparu sur tous les écrans de la ville pour annoncer qu'elle offrait une nouvelle vie aux habitants. Forcément, voyant tout ce bordel, ça m'a profondément ennuyé, persuadé que c'était rien de plus qu'une blague à grande échelle. Mais quand j'ai vu, dans la rue en bas de chez moi, des gens disparaître dans des écrans de télé, là j'ai commencé à être intéressé. Ce lieu étrange, la Noerphilie... A vrai dire, je sais pas d'où ça vient et ce que c'est exactement, mais je m'en tape, j'ai qu'une seule envie, c'est partir à la découverte de cet endroit. Tiens, je pourrais même tout consigner sur le net et faire partager ça avec tous ceux qui iront aussi dans cet endroit. Mais j'ai déjà perdu trop de temps, faut que j'aille voir ça de plus près.