C'était un vingt-sept octobre comme les autres pour beaucoup. Pas pour cette famille-là, qui voyait venir au monde son dernier membre. Une fille, prénommée Ambre, née en début de soirée à Genève, en Suisse romande, qui suivait un grand frère du nom d'Antoine. Tout se passait pour le mieux et l'enfance des deux enfants fut parfaitement normale. Ambre se révéla être une tête à l'école, et découvrit son premier ordinateur à l'âge de huit ans. Même si elle se contentait de dessiner sur Paint à ce moment-là, ce fut le début d'un grand amour entre la fille et la machine.

Douze ans, l'âge de la puberté. Le moment où on commence à regarder les garçons différemment. Où, entre copines, on échange sur le fait que tel ou tel garçon soit plutôt mignon. C'est une période assez troublante et stressante par nature. Cependant, Ambre s'est vide rendue compte qu'elle avait quelque chose de différent de ses copines. Elle n'arrivait pas à suivre leurs conversations et ne comprenait pas ce qu'elles pouvaient trouver à leurs camarades de classe masculins. Au début, quand il n'y en avait qu'une ou deux qui en parlaient, cela ne l'inquiétait pas plus que ça. Mais quand elle se retrouva seule à ne pas s'intéresser à ce genre de choses, Ambre eût le sentiment profond de ne pas être normale. De ne pas être « comme les copines ». Ça la frustrait et lui faisait peur en même temps. Son intérêt pour les hommes vint plus tard que pour les autres, et entre temps, elle a découvert que ce que ressentaient les amies pour les garçons, elle le ressentait pour les filles.

Elle n'acceptait pas la chose et ne l'accepterait pas. Ce n'était pas normal, elle devait être folle. Elle était persuadée d'être détraquée, et plus elle y pensait, plus elle s'en rendait malade. Pour son propre équilibre, elle refoula cette part d'elle-même et l'enterra le plus profondément possible, en espérant que ce côté d'elle ne reviendrait pas comme un zombi. Elle se changeait les idées en se concentrant sur l'informatique et le tir sportif, qu'elle adorait. Elle devint douée dans ces deux domaines et en fit très vite ses loisirs principaux.

Peu à peu, ses sentiments se renforçaient. Elle était tombée amoureuse d'une camarade de classe, d'une amie. Elle avait un copain, et Ambre en était très malheureuse. Elle s'était faite toute petite et tentait d'oublier cette histoire. D'attendre que le temps soigne les blessures, comme on dit. C'était quelque chose qui lui faisait terriblement mal, mais il fallait faire avec.

(Donnée manquante.)

Autour, il n'y a rien que la nuit. Perdue dans cette immensité, glaciale et ténébreuse. L'Eau s'infiltre partout. Elle brouille la vue, annule l'ouïe, et ne permet de ressentir rien d'autre que le froid terrifiant. La fille s'agite, fait aveuglément bouger ses bras et ses jambes dans l'Ombre, afin de trouver un quelconque endroit où s'accrocher, où s'agripper pour ne pas sombrer. En vain.
Elle essaye vainement de nager vers la surface, sans même savoir dans quelle direction elle se trouve. Elle n'arrive même pas à bouger, et s'envase lentement.
Le froid se fait de plus en plus oppressant, et elle tremble de plus en plus. Son regard se brouille plus encore. Peu à peu, ce frisson permanent qui la parcourt s'intensifie alors qu'il remonte vers sa gorge. Malgré elle, elle ne parvient pas à retenir une bouffée d'air qu'elle avait gardé jusque là. Elle se sent en train de pleurer sous l'eau, là où ses larmes sont immédiatement absorbées par les ténèbres. Sa conscience s'effiloche peu à peu alors qu'elle semble apercevoir une silhouette s'approcher d'elle. Elle ferme les yeux et soupire.

(Donnée manquante.)

Un petit hoquet au niveau du ventre. Puis un second, un troisième. Elle sent quelque chose de chaud posé sur ses lèvres.Elle ouvre brutalement les yeux et relève le dos pour se trouver assise. Elle penche la tête vers le sol et crache, vomit, expulse. Un, ou deux litres d'eau sortent de sa bouche pour fondre dans la terre. Elle tousse, elle respire difficilement, halète. L'air lui manquait, il lui revient peu à peu. Ses épaules montent et descendent au rythme de son souffle qui, s'étant brusquement éveillé, retrouve peu à peu un rythme plus sain.

Elle tourna son visage vers la personne qui l'avait tirée des eaux glacées du Lac Léman. C'était une jeune femme blonde, d'un an ou deux de plus qu'elle, une rose derrière les cheveux. Cette fille l'avait arrachée aux griffes des eaux gelées du Styx. Elle lui avait sauvé la vie.

(Données manquantes.)

Cloîtrée dans un microcosme qui n'appartenait qu'à elle. Enfermée dans une capsule de survie au milieu de ce qu'elle pensait être les enfers. Pas ou peu de liens avec l'extérieur. Elle regardait à travers la fenêtre les lourdes gouttes de pluie s'élancer depuis les nuages pour venir s'écraser avec toute la violence du monde sur le sol froid et rugueux. Cette image la terrifiait.
Seul lien qui ne lui était pas imposé : Un contact internet fréquent avec celle qui l'avait sauvée. Petits moments de soleil dans son univers pluvieux. Mis à part ça, elle refusait de tisser des liens avec ceux qui l'entouraient dans sa vie de tous les jours. Depuis ce qu'il s'était passé au lac, elle restait seule.

Pour se changer les idées, la miss s'était mise à la lecture des mangas et au visionnages d'animes en tous genres. Elle apprit très vite la langue japonaise. Peu à peu, malgré cette peur de l'eau, elle reprenait un rythme de vie plutôt normal. Encouragés par ce rétablissement, les parents de la jeune fille l'envoyèrent au Japon pour quelques jours. Un moyen de lui faire oublier ses soucis, pensaient-ils.

Le timing ne pouvait pas être pire...

L'annonce de miss Harmonie captiva la petite. Noerphilie, c'était comme dans SAO ou Log Horizon. Être l'héroïne de sa propre aventure fantastique. Visiter un monde nouveau. Ni une ni deux, la suissesse plongea dans son écran informatique et se rendit dans le TV World. Au début, tout s'était très bien passé. Les habitants de ce monde nouveau, désireux de l'aider, lui donnèrent une sorte de pistolet magique capable de tirer des balles de cristal (d'ambre, pour être précis), trouvant probablement le jeu de mot amusant. La jeune femme se promenait dans ce monde, émerveillée par ces paysages sauvages. Tout allait pour le mieux... Jusqu'à ce qu'elle apparaisse.

Elle disait tout savoir sur elle. Ses plus profonds désirs. Ses plus noirs secrets. Ce qu'elle n'acceptait pas, ce qu'elle niait.

« Je rêve tellement de les voir casser. S'il pouvait disparaître à jamais, ce serait bien mieux ! »
« Je préfère rester dans ma zone de confort et me plaindre plutôt que d'être face à face avec qui je suis réellement. »
« Je suis incapable d'être heureuse. Que je trouve une petite amie ou pas, je continuerai de n'être qu'une ombre. »
« Ils sont là pour que j'existe. Je m'accroche à eux pour ne pas être toute seule. Si je le pouvais, je m'isolerai. »
« Et pourquoi n'ais-je pas droit à mon histoire de princesse, moi ? En quoi les autres le mériteraient-ils plus que moi ? Ils sont tellement à vomir... »
« De toutes façons, je ne suis qu'une erreur. Les autres comme moi sont aussi des erreurs. On ne sert à rien sur cette terre et on est voués à l'échec. On est des ratés. »

« Être gay c'est être un échec. »

Elle ne la lâchait pas. Ambre s'était mise à l'insulter, à la dénier, à la repousser. C'était pas elle, ce n'était pas possible. Et elle riait, plus fort, et semblait gagner en force. Ses yeux jaunes brillaient dans le noir. Elle tourna berserk, et manqua de la tuer en la noyant. Effrayée, elle prit la fuite.

Ambre tenta de rejoindre le monde réel. Ses parents, son pays, sa chambre. Mais quand elle posa sa main sur l'un des écrans de la Noerphilie pour le traverser, elle se retrouva bloquée. Comme si elle ne pouvait pas quitter ce monde tant qu'elle était incomplète.